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CHAMFORT, Sébastien Roch Nicolas.
Maximes et Pensées. Caractères et anecdotes.
[In : Œuvres de Chamfort, recueillies
et publiées par un de ses amis.]
Paris, chez le directeur de l’Imprimerie des Sciences et Arts, 1795.
Petit in-8 de VIII, 344 pp. : demi-basane brune à coins, dos lisse orné d’un semé de fleurettes
et pointillés, pièce de titre de maroquin rouge
(reliure des premières années du XIX
e
siècle).
Édition originale.
Les
Maximes et pensées
, suivies des
Caractères et anecdotes
, sont les esquisses d’un grand ouvrage que
Chamfort (1740-1794) n’eut pas le temps de composer et qu’il souhaitait intituler :
Produits de la
civilisation perfectionnée
. “Chamfort y prolonge la tradition des moralistes, renouvelant l’usage de
l’aphorisme. Les anecdotes multipliées peignent une société qu’il juge à la façon de Rousseau.
Satire rigoureuse, revers de l’affirmation d’un moi qui se purifie à force de négations. La suite
des fragments suggère une biographie et constitue un journal synthétique” (Jean Dagen).
Un des joyaux littéraires de la fin des Lumières, les
Maximes et pensées
de Chamfort n’ont cessé d’être
éditées depuis leur première édition posthume donnée par Ginguené (1748-1816), ami de l’auteur.
Exemplaire unique ayant appartenu à Stendhal, qui l’a annoté et fait relier de manière particulière
pour en constituer, au sens premier, un “livre de poche”.
Les
Maximes
de Chamfort furent, avec l’
Introduction à la connoissance de l’esprit humain
de Vauvenargues,
un des livres de chevet de Stendhal. Souvent cité dans les lettres qu’il adressa à sa sœur Pauline –
auprès de laquelle Beyle remplissait un rôle de pédagogue et de conseiller, et à qui il “ordonnait”
la lecture du moraliste comme un exercice formateur pour l’esprit et le style –, Chamfort demeure
une des sources clés de l’œuvre, notamment pour
De l’amour
(1822). Un des chapitres de
Le Rouge
et le Noir
(1830) porte en exergue une citation attribuée à Sterne... qui est en fait de Chamfort !
L’aspect du volume est révélateur de l’attachement que Stendhal portait à l’auteur des
Maximes
.
L’ouvrage a été séparé des trois premiers volumes contenant les œuvres diverses de Chamfort et
relié sans indication de tomaison. Les marges ont été rognées très près du texte, afin de réduire
le format au maximum et de permettre au futur Stendhal de glisser le livre dans la poche de son
manteau. On relève, en haut du faux titre, l’ex-libris autographe : “
De Beyle 1806
”, – soit l’année
même où l’écrivain s’engagea pour la deuxième fois dans la carrière des armes, grâce à son cousin
Pierre Daru, et s’en alla parcourir l’Europe (Allemagne, Autriche, Russie) en tant que Commissaire
des guerres de la Grande Armée.
“Son” Chamfort l’accompagne partout. Il le lit, le médite et le commente à Pauline, lui conseillant
l’achat d’une édition nouvelle. Le volume parvint enfin à sa sœur bien-aimée, qui a noté au verso
de la première feuille de garde : “
reçu de Brun
[swick]
le 8 juin 1810
.” Cette note très brève témoigne de
manière indirecte de la “seconde naissance” de Beyle : c’est en effet la ville allemande de Stendal,
située à 150 kilomètres de Brunswick, qui lui inspira en 1817 son pseudonyme.
Les
marginalia
, à l’encre brune, sont presque tous rassemblés sur les gardes. Elles mêlent notes intimes
(“
il sut de b
[onne]
heure ce qu’i
[l]
vo
[ulait]”) et remarques littéraires – sur La Fontaine, sur Goldsmith,
ou sur la bassesse des dialogues de Goldoni (“
Mais le mouvemens des comédies de Goldoni est bon
”). Des traits
de plume indiquent les passages de prédilection, de laconiques commentaires (un ou deux mots)
précisent ou prolongent une maxime. Ces précieuses annotations n’ont pas encore livré tous leurs
secrets : le volume était en effet inconnu jusqu’à son entrée dans la bibliothèque de Pierre Bergé.