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MONTAIGNE, Michel de.
Journal du voyage de Michel de Montaigne en Italie,
par la Suisse & l’Allemagne en 1580
& 1581. Avec des notes par M. de Querlon.
A Rome, et se trouve à Paris, chez Le Jay, 1774.
2 volumes in-12 de 1 portrait, (4) ff., CVIII, 324 pp. ; (2) ff., 603 pp. mal chiffrées 601, (4) ff. de
catalogue de Le Jay pour le tome II : veau porphyre, dos lisses ornés de filets, fleurons et chats dorés,
pièces de titre de maroquin rouge, filet à froid encadrant les plats, coupes filetées or, tranches rouges
(reliure de l’époque).
Véritable édition originale.
Elle est ornée en frontispice d’un joli portrait de Montaigne gravé par Saint-Aubin. Cette reprise de
la gravure de Nicolas Voyer (1771) permit de diffuser largement l’image d’un Montaigne “au chapeau”.
Le manuscrit original du
Journal du voyage en Italie
, que son auteur ne destinait pas à la publication
mais conservait à son seul usage, fut oublié pendant près de deux siècles. Il fut retrouvé en 1770
dans un coffre au château de Montaigne par l’abbé Prunis. L’éditeur parisien Le Jay confia à
Anne-Gabriel Meunier de Querlon, gardien des manuscrits de la Bibliothèque du Roi, la tâche
de l’éditer : le livre fut dédié à Buffon.
Quatre éditions virent le jour en 1774. La première fut imprimée en deux volumes in-12 pour
laquelle Le Jay choisit Rome comme adresse fictive d’édition, sans doute pour souligner le caractère
italien du journal. Peu après parurent une édition in-quarto, puis une édition en trois volumes au
format in-12. Une quatrième, enfin, vit le jour en deux volumes in-12, mais elle était amputée du
texte italien.
Les éditions de Le Jay sont d’autant plus importantes que, par un coup du destin, le manuscrit a
disparu peu de temps après sa découverte : le
Journal
de 1774 constitue ainsi le seul texte original
à la disposition des lecteurs.
“Le cul sur la selle” à travers l’Europe.
Le
Journal du voyage en Italie
, rédigé pour partie en français et pour partie en italien, a été tenu lors
du voyage entrepris par Montaigne juste après qu’eut paru la première édition des
Essais
: dix-sept
mois d’un périple au gré de l’humeur, du 22 juin 1580 au 30 novembre 1581, interrompu par la
nomination de l’auteur comme maire de Bordeaux.
Fuyant la routine d’une vie de gentilhomme campagnard, Montaigne s’ennuie du monde et de ses
tracas. Aussi va-t-il,
par sauts et par gambades
, “promener sa philosophie” comme l’écrit joliment le
préfacier. Le voyage devait nourrir le livre III des
Essais
:
“Le voyager me semble un exercice profitable. L’âme
y a une continuelle exercitation à remarquer les choses inconnues et nouvelles ; et je ne sache point meilleure école,
comme j’ai dit souvent, à former la vie que de lui proposer incessamment la diversité de tant d’autres vies, fantaisies
et usances, et lui faire goûter une si perpétuelle variété de formes de notre nature.”
Le manuscrit original, dont un tiers environ a été composé directement en italien, n’était qu’en partie
autographe, une bonne part ayant été rédigée par le secrétaire sous la dictée de Montaigne. Le
Journal
restitue ainsi la “voix” de Montaigne comme son plaisir de communiquer, “plus important que celui
de montrer sa maîtrise en un
languaige estrangier
, dit François Rigolot. La correction de la langue est
bonne pour les pédants : rien ne lui est plus étranger”.