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MONTESQUIEU, Charles-Louis de Secondat, baron de.

Lettres persanes.

A Cologne, chez Pierre Marteau

[Amsterdam, Susanne de Caux],

1721.

2 volumes in-12 de 1 titre rouge et noir, 311 pp. ; 1 titre rouge et noir, 347 pp. : veau havane, dos à

nerfs ornés, pièces de titre et de tomaison de veau beige, filet et roulette dorés encadrant les plats,

fleurons aux angles, armes frappées au centre des plats supérieurs, roulette à froid sur les coupes,

tranches rouges

(reliure de l’époque).

Précieuse édition originale du premier livre emblématique des Lumières.

Montesquieu y expose déjà des idées sur la liberté, le despotisme, la justice et les lois, qu’il

développera dans l’

Esprit des Lois

. En invitant les Français à s’observer à travers la correspondance

de Persans imaginaires en visite à Paris, l’auteur invente le regard sociologique.

Une impression anonyme et clandestine.

Le magistrat bordelais ne pouvait guère être édité en France, du fait de ses jugements sans

compromis sur la religion ou le gouvernement. “Pour être sûr que le secret fût bien gardé et

que l’impression fût bien faite, Montesquieu confia son manuscrit à son secrétaire qu’il envoya

à Amsterdam. Celui-ci y séjourna jusqu’à la fin de sa mission, qu’il couronna en mettant sur la

première page du livre un nom de libraire supposé et un lieu d’impression inexact” (Vian). Les

Lettres persanes

furent ainsi publiées clandestinement en Hollande, sans nom d’auteur et à ses frais.

La question de l’édition originale a donné lieu à bien des controverses depuis un siècle, d’autant

plus que huit éditions et contrefaçons virent le jour en 1721. Le chiffre communément reçu de

douze éditions est lié à l’identification de simples états ou émissions.

De fait, l’édition originale a été imprimée à Amsterdam par Susanne de Caux, veuve de l’éditeur

Jaques Desbordes. Sur les titres figurent la fausse adresse “A Cologne, chez Pierre Marteau” ainsi

que deux fleurons distincts : un monogramme pour le tome I et deux anges pour le tome II.

L’ouvrage fut réimprimé en France, la même année, avec l’adresse fictive de “Amsterdam, Pierre

Brunel” : Rochebilière attribue le groupe d’éditions portant le nom de Brunel à des presses

rouennaises.

Une des grandes éditions originales littéraires parmi les plus difficiles à rencontrer.

Edgar Mass note que le succès immédiat et retentissant fut une surprise pour l’éditeur pris au

dépourvu, alors qu’il n’avait pas même gardé la composition typographique.

Un exemplaire est conservé à la Réserve de la Bibliothèque nationale de France. Il provient du

fonds Rothschild, sans figurer au catalogue imprimé rédigé par Picot. Et, en tête de l’édition des

Œuvres complètes

de Montesquieu (Oxford, Voltaire Foundation, 2004), se trouve le recensement

des huit autres exemplaires conservés dans les collections publiques : Anvers (Musée Plantin-

Moretus), Cambridge (University Library), Harvard (Houghton Library), Mannheim, Oxford

(Bodleian Library), Soleure, Uppsala, Wolfenbüttel.