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[BLESSEBOIS, Pierre Corneille].

Le Zombi du Grand Perou :

ou la Comtesse de Cocagne.

Sans lieu

[Rouen?],

nouvelement

[sic]

imprimé le quinze février 1697.

In-12 de (2) ff., 6 pp., 145 pp. : maroquin brun à grain long, dos lisse orné en long, double

encadrement de filets dorés sur les plats avec fleurons dans les angles et grand fleuron central doré

à petit fer, coupes et bordures intérieures décorées, tranches dorées

(Thouvenin).

Précieuse édition originale.

Ce récit “obscène” et fantastique, exhumé par Charles Nodier, est “un des livres les plus curieux

qu’un bibliophile puisse ranger sur ses tablettes” (Louis Loviot).

Faux titre, titre et premier feuillet de dédicace imprimés en rouge et noir.

On a longtemps cru, à la suite de Charles Nodier, que le

Zombi du Grand Pérou

avait été imprimé

aux Antilles où vivait l’auteur ; le papier d’Auvergne et le matériel typographique témoignent

en réalité de la probable origine rouennaise de l’impression, “bien qu’il reste impossible de préciser

cette localisation par un nom d’atelier typographique” (Jean-Marc Chatelain).

La page de titre du présent exemplaire offre la même particularité que celui de la Bibliothèque

nationale : le “quinze” est imparfaitement imprimé.

Une curiosité littéraire découverte par Charles Nodier.

Le premier, Charles Nodier mit en valeur l’introuvable

Zombi

, lui consacrant en 1829 une longue

notice de ses

Mélanges tirés d’une petite bibliothèque

d’après le présent exemplaire. Le bibliophile eut

la bonne fortune, par la suite, d’en acquérir un autre exemplaire.

Maurice Lever loue l’écriture “sèche, efficace, étonnamment moderne, entremêlée de locutions

créoles” du roman, soulignant que les “renseignements qu’il fournit sur les mœurs des colonies

au XVII

e

siècle sont de toute première main. On ne saurait nier, enfin, qu’un charme insolite

se dégage de ce mélange de sensualité et de magie qui compose le climat si particulier de cette œuvre”

(

Romanciers du XVII

e

siècle

, p. 200).

Le mot “zombi” (mort-vivant) est imprimé ici pour la première fois.

Le Casanova du XVII

e

siècle, auteur du premier roman exotique français.

Tour à tour aventurier, écrivain, pamphlétaire, assassin, séducteur, soldat puis déserteur,

esclave enfin, Pierre Corneille Blessebois (1646-1700) fut une des figures les plus hautes en couleur

de la littérature du Grand Siècle.

“Aujourd’hui mieux connue qu’à l’époque de Nodier, la vie débauchée de Blessebois, petit poète

licencieux d’origine normande, fut une succession d’emprisonnements, de bannissements ou

d’exils volontaires, de courtes périodes de liberté et de nombreuses affaires de justice, jusqu’à ce

qu’en 1681, âgé d’environ trente-cinq ans, il fût condamné aux galères à perpétuité pour désertion.

Devenu assez vite inapte au service des galères, il fut déporté en 1686 à la Guadeloupe, vendu

comme esclave à un colon. C’est ainsi qu’il aboutit au domaine du Grand Pérou, dans la partie

méridionale de l’île. Il y puisa le décor et l’action du

Zombi

, roman à clé où, sous couleur de

marquis

du Grand Pérou

et de

comtesse de Cocagne

, il met en scène les tracas amoureux de son maître et de la

maîtresse d’un domaine voisin, pimentés d’une histoire de fantôme, ou

zombi

en créole. Ce faisant,

Blessebois offrait à la littérature française son premier roman exotique” (Jean-Marc Chatelain).

Au terme d’une vie pour le moins tumultueuse, l’ex-galérien parvint à rentrer en France, où il devait

mourir peu après. Ce retour clandestin expliquerait comment le manuscrit a pu être édité à Rouen en

février 1697. Blessebois en a-t-il été lui-même l’éditeur ou doit-on l’impression à un de ses amis ?

On ne le saura sans doute jamais.

Un des

huit

exemplaires

connus

du premier

roman

exotique

français