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ACADÉMIE FRANÇAISE
seray toûjours d’avis qu’on menage l’honneur
d’un homme qui a du merite et qui en peut
acquerir beaucoup davantage quand il sera
plus modeste et moins precipité. Je vous
ai toûjours regardé comme le seul dont il
faudroit se servir pour luy faire ouvrir les
yeux sur ses erreurs », prises chez Jean
de LANNOY : « vous sçavez qu’avec un tel
guide on peut beaucoup s’égarer ». Il autorise
Gerbais à communiquer son mémoire à
Dupin : « s’il ne veut point s’aveugler luy-
mesme, il trouvera de quoy se convaincre
de beaucoup de fautes tres essentielles. Je
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BOSSUET Jacques-Bénigne
(1627-
1704) prélat, théologien, prédicateur
et historien ; évêque de Condom puis
de Meaux [AF 1671, 37
e
f].
L.S. « + JBenigne E de Meaux » avec
ADDITIONS autographes, Meaux
19 mars 1692, à Jean GERBAIS,
« Docteur de Sorbonne, principal du
College de Reims » à Paris ; la lettre
est écrite par son secrétaire l’abbé
LEDIEU (1658-1713) ; 6 pages in-4,
adresse avec cachet de cire rouge
aux armes (petites rousseurs).
1 500 / 2 000 €
Longue lettre concernant des théologiens
suspectés de jansénisme
, et principalement
Louis Ellies DUPIN (1657-1719), rédacteur
de la
Nouvelle Bibliothèque des auteurs
ecclésiastiques
.
Il assure Gerbais qu’il n’a « jamais voulu
que du bien » à Dupin, « et on ne pouvoit
pas estre plus prevenu que je l’estois en sa
faveur. Il est vray, a ne vous rien dissimuler,
que jettant de temps en temps les yeux sur
sa Bibliotheque, j’ay souvent trouvé qu’il
alloit bien viste et qu’il estoit bien hardi.
Mais ce qui m’a fait faire plus d’attention a
sa doctrine », c’est qu’ayant lu sa réponse
aux Pères de Saint-Vanne « et aussi divers
endroits de sa Bibliotheque, j’ay trouvé deux
choses constantes, l’une qu’il favorisoit les
heretiques et qu’il affoiblissoit la Tradition
non seulement sur le peché originel, mais
encore sur beaucoup d’autres articles et qu’il
tranchoit sur les SS. PP. [Saints Pères] avec
une temerité que les catholiques n’avoient
pas coustume de se permettre. Je vous
avouë que je fus étonné qu’un siecle aussi
critique que celuy-cy demeurast en silence ».
C’est pourquoi il a dit un mot au collège de
Navarre, « afin qu’il y eust quelque témoi-
gnage que tout le monde n’approuvoit pas les
manieres et les sentiments de M
r
Dupin, en
épargnant neanmoins son nom et me tenant
autant que je pus dans les termes generaux ».
Le même jour, il s’est plaint à l’abbé Varet, qui
avait promis de remédier aux excès de son
ami Dupin, et de l’envoyer visiter Bossuet,
ce qu’il ne fit pas, tous en continuant de
tenir des propos inconsidérés. Aussi, avant
de quitter Paris, Bossuet, « pour ne laisser
point sans remede un mal qui n’est que trop
grand », a donné un mémoire [
Mémoire
de ce qui est à corriger dans la Nouvelle
Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques
de M. Dupin
] au Chancelier Boucherat et
à l’Archevêque, « afin qu’on prist garde aux
écrits passez et a venir de M. Dupin. […] Je
ne suis ni son dénonciateur ni sa partie : je
puis estre son juge, et je seray volontiers
son mediateur, quand il voudra de bonne
foy donner gloire à Dieu et à la verité »… La
fin de la lettre est écrite par Bossuet qui
précise : « Cest pour epargner vostre veüe
que je n’écris pas de ma main »...
BOSSUET Jacques-Bénigne
: voir n
os
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