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les collections aristophil

près le seul à s’apercevoir,

la Ville

! »… Il

parle des bouleversements auxquels il a

assisté au cours de ses soixante-dix-huit

ans, et de sa conversion : « Tout était plein,

l’estomac des possédants comme la cervelle

des philosophes : plein, coincé, bourré,

tendu, dilaté jusqu’à la congestion et jusqu’à

la boursouflure. Une mauvaise conscience

générale qui se traduisait par une espèce de

confiance désespérée dans le fait brutal et

dans la force matérielle. Quant à moi, pauvre

petit garçon frais émoulu de ma province,

l’atmosphère qu’on respirait à Paris en ces

tristes années m’avait submergé d’horreur

et de désespoir, et une certaine après-midi

de Noël à Notre-Dame m’avait permis de

respirer quelques bouffées d’un air plus

pur »... Puis survint la guerre de 1914… « Il

m’est arrivé une chose magnifique ; c’est

que j’ai rencontré le Dieu vivant […] J’ai eu

raison de croire à la lumière et à la joie. Ce

n’est pas ma faute si Dieu existe ! »…

895

CLAUDEL Paul

(1868-1955) [AF 1946,

13

e

f].

MANUSCRIT autographe,

[

Remerciement à mes amis de

Belgique

], 25 octobre 1946 ; 7 pages

et quart in-fol. avec ratures et

corrections.

1 500 / 2 000 €

Discours prononcé à Bruxelles le 11 dé-

cembre 1946 pour la remise de son épée

d’académicien

.

[Le texte a été publié dans

Le Figaro litté-

raire

du 14 décembre 1946, et recueilli dans

Discours et Remerciements

(1947).]

Claudel parle de sa double vocation de diplo-

mate et de poète. « Ce n’est pas ma faute si

le petit provincial farouche sans manières et

sans relations qui un beau jour vint frapper

d’un doigt méfiant et craintif à la porte des

augustes bâtiments du Quai d’Orsay, se vit

tout à coup, sans savoir au juste comment,

happé, aspiré, arraché, par une carrière de

consul et de diplomate qui devait durant

46 ans et le promener à travers tous les

cantons de la planète. J’étais cependant à

ce moment même titulaire d’une vocation

aussi scandaleuse qu’indubitable de poète »…

Il évoque son « vieux maître, Stéphane MAL-

LARMÉ », son travail fastidieux de copieur

de dépêches, puis sa rencontre décisive

avec « le plus précieux, le plus sûr, le plus

clairvoyant et le plus affectueux des frères,

Philippe BERTHELOT. […] Philippe a fait de

moi un ambassadeur, et, ma foi, à ce que

j’ai entendu dire, pas plus intolérable qu’un

autre »... Il se reporte à la « fabuleuse année

1890 » et à la publication de ses premiers

livres : « quelles briques plus noyées dans

la mare de l’inattention générale que ces

bouquins anonymes et forcenés où sous

l’enseigne de

l’Art indépendant

j’inscrivais

mes premières protestations,

Tête d’or

, dont

votre grand poëte Maeterlinck fut à peu