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britannica - americana
Il fait également publier les articles de combat de Bernanos, dans des
revues étrangères, principalement latino-américaines, qu’il recueille entre
1943 et 1945 en 4 volumes intitulés
Le Chemin de la Croix-des-Âmes.
Certaines lettres sont adressées simultanément à Ofaire et à sa
femme. Bien que traitant, pour l’essentiel, de la publication des articles
de Georges Bernanos entre 1939 et 1943, elles accordent une large
place aux combats politiques et au travail littéraire de l’écrivain.
Bernanos se désole de la défaite des armées françaises en mai
1940 : « Nous buvons depuis des jours, à long traits, l’angoisse et
l’humiliation. Les hommes de Munich ont accompli leur tâche » (21
mai 1940). L’honneur de la France est sali par cette déroute militaire
et morale : « Une Revue,
Dublin-Review
, m’a demandé par câble,
il y a trois semaines, un article “sur la guerre, S
t
Louis, Jeanne
d’Arc, et l’honneur français”. Ça manque un peu de tact de me
demander de parler en ce moment de l’honneur français. Tant pis »
(28 novembre 1940). Bernanos se montre aussi circonspect quant à
la fiabilité de l’allié anglais, dont l’aviation a détruit la flotte française
dans le port de Mers-el-Kébir, le 3 juillet 1940. En plus des articles
pour la presse sud-américaine, il doit penser aussi « à la B.B.C.,
bien que je commence à trouver bien décevante et
bien suspecte
cette obstination du gouvernement anglais non seulement à refuser
de reconnaître un gouvernement
légal
de la France libre, mais à
reconnaître officiellement celui de Pétain, auquel les français libres
font la guerre. Si ça continue, notre situation sera intenable vis-à-vis
du public français mal informé, auquel on fera croire de plus en
plus que nous sommes de simples exécutants des consignes de la
propagande anglaise […]. Je mets dans le même sac le totalitarisme
de Mussolini et la démocratie de M. Ford. Merde et merde. Vive le
Brésil ! » (15 décembre 1940). Bernanos suit de près les événements :
« Je n’ai jamais tant rigolé qu’en lisant la liste du “Grand Conseil” de
Vichy. Pesquidoux ! les premiers ouvriers de France ! Abel Bonnard !
et tout… et tout… et tout, ma chouère ! » (26 janvier 1941).
Dans ses lettres, Bernanos évoque longuement ses travaux littéraires,
liés aux combats politiques. De Belo Horizonte, en juillet 1940, il
indique : « Dans ma campagne de presse, je tiens beaucoup à ne pas
causer d’ennuis, à ne gêner en rien le gouvernement brésilien par des
polémiques personnelles, ce qui serait mal reconnaître l’hospitalité
si courtoise qui m’a été donnée ici. J’ai l’intention de commencer
une série d’articles, qui seraient le développement d’un plan général,
ce qui permettrait de les faire paraître ultérieurement en brochure.
J’ai pensé à ce titre : “Un Français vous parle” »… « Mon procédé a
toujours été de scandaliser quelques imbéciles pour contraindre les
autres à réfléchir. » (10 février 1941). L’écriture sert ainsi de viatique pour
sensibiliser les hommes, particulièrement les Français, aux causes qu’il
défend : « Si je me sens très peu capable de défendre mes intérêts
personnels, je ne voudrais pas qu’on crût là-bas que j’abandonne
mes livres à leur sort, lorsqu’il s’agit de leur rayonnement possible
et des idées que j’y défends » (juin 1941). La littérature comme arme
doit être utilisée de la manière la plus efficace possible, au risque de
passer à côté de l’essentiel : « Je me reproche de n’avoir pas assez
dit quelle est la fonction de la France dans le monde en face des
salauds de l’un et de l’autre bord » (20 mai 1942).
Il envoie à Ofaire, qui se charge de la dactylographie et de la traduction,
ses articles destinés à différentes revues, notamment
O Jornal
à Rio
,
la Prensa
et
Sur
à Buenos Aires ; il s’inquiète de la censure et surveille
de près les traductions qui ne reflètent pas toujours exactement sa
pensée. Il travaille à ses
Lettres aux Anglais,
dont il attend la publication
avec impatience au Brésil et chez MacMillan à New-York ; la troisième
fait déjà 210 pages ! (juillet-août 1941). Il envoie des exemplaires aux
critiques brésiliens, ne voulant pas qu’ils croient « que je me juge un
personnage trop important pour tenir compte d’eux » (25 avril 1942).
Il n’en néglige cependant pas son œuvre romanesque. Dès mai 1940, il
charge Ofaire d’envoyer à Plon le dernier chapitre de
Monsieur Ouine
« commencé en 1931, annoncé religieusement, depuis, chaque année »
qu’il vient de terminer. Il reçoit des propositions du Canada, de Londres…
Sous le Soleil de Satan
est « traduit et mis en vente depuis des mois »
chez Mac Millan à New-York (5 février 1942). Le 19 octobre 1942, il
accepte les conditions de l’éditeur Brown à Londres, pour la vente
des droits définitifs de
Monsieur Ouine,
mais émet des réserves.
Bernanos évoque aussi sa famille : sa femme Jeanne, ses enfants,
notamment ses fils Yves et Michel qui tentent de rejoindre la France
Libre ; ses amis d’ici et d’ailleurs. Apprenant la condamnation à mort
de quatre dominicains, il s’inquiète du sort du père Brückberger, qui
lui a consacré une étude (5 juillet 42).
Il charge son « chercharlofaire » de diverses commissions : une selle
pour son cheval (mai 1941), du tissu pour des coussins et un divan ;
il fait même un croquis (mardi 2 septembre 1942). On le voit pris par
le découragement : « Je succombe sous le poids des petites misères,
des petites misères quotidiennes, des petites misères anonymes,
comme un vieil âne sous un sac de pommes de terre » (décembre
1942). Mais souvent l’humour prend le dessus, par exemple quand il
inscrit cet en-tête fantaisiste : « Barbacena. Château de la Cruz das
Almas. Bâtiment C – annexe XIV – bureau 18 – 7me étage. Service de
la correspondance Sud-Américaine » (4 avril 1941).
Ce recueil de lettres est un reflet fidèle de la pensée et de la personnalité
de Bernanos. Sa langue fougueuse et caustique s’employait à entretenir
l’esprit de résistance, en toute circonstance.
On joint
un TAPUSCRIT (23 pages in-4, sous chemise demi-vélin
blanc), donnant des renseignements et explications détaillés sur ces
lettres, ainsi que le texte des réponses de Charles OFAIRE.
provenance
Bibliothèque Dominique de VILLEPIN.
Feux & flammes. Un itinéraire
politique
.
Les Voleurs de feu
(28 novembre 2013, n° 145).
BERNANOS GEORGES
(1888-1948).
65 autograph letters signed « G. Bernanos » (one is signed
« votre vieil ami » [Your old friend] and one is unsigned),
1939-1942, to Charles OFAIRE, in French ; approximately
170 pages in-4 or in-8 (perforations), letters mounted on
tabs on vélin d’Arches paper ; bound in a halfbinding of
green-morocco (faded spine), slipcase (
Devauchelle)
.
6 000 / 8 000 €
Important correspondence sent from Brazil and addressed
by Bernanos to his friend and publisher Charles Ofaire.
These letters reflect well the thought and personality of Bernanos, and
especially his spirit of resistance in all circumstances. « My way of
proceeding has always been to scandalize a few imbecils to force the
others to think » (10 February 1941). Writing is a tool to alert individuals,
particularly the French, to the causes he defends: “Although I feel
quite unable to defend my personal interests, I do not want people
over there to think that I have abandoned my books to their faith...”
(June 1941). The letters reflect his continuing publications from abroad
and his commitment to political and literary affairs.
Sold with
TAPUSCRIPT (23 pages in-4, in a white paper folder) with
explanatory information on this collection of letters as well as the
text of Charles OFAIRE’s replies.
provenance
Bibliothèque Dominique de VILLEPIN.
Feux & flammes. Un itinéraire
politique.
I
Les Voleurs de feu
(28 November 2013, n° 145).