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britannica - americana
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LAFAYETTE MARIE-JOSEPH DE
(1757-1834).
L.A.S. « Lafayette », Witmold-Holstein 30 août 1798, adressée
à James McHENRY, secrétaire de la Guerre ; 4 pages in-4
très remplies d’une fine écriture serrée (lettre habilement
entoilée d’une légère soie) ; en anglais.
4 000 / 5 000 €
Belle et longue lettre politique d’exil, sur ses efforts pour régler les
différends entre la France et l’Amérique.
Il a été libéré de sa prison d’Europe, mais la santé très préoccupante de
sa femme l’a empêché d’embarquer… Et sa présence sur le Continent
est indispensable pour régler des arrangements concernant les
propriétés de sa femme ; et il attendra pour traverser l’Atlantique qu’elle
soit parfaitement rétablie pour l’accompagner… S’il avait cependant le
moindre espoir d’être utile aux préoccupations publiques, il n’hésiterait
pas ; et il aspire, dans sa retraite, contribuer à l’harmonie entre les
deux pays dans lesquels son âme est si profondément ancrée !
McHenry connaît ses principes et sentiments, son amour de la
liberté, sa doctrine d’opposition à tout despotisme, son obédience
à une libre constitution de lois nationales, son cœur républicain…
Ses objections sur l’état actuel de la France ne concernent pas le
gouvernement, mais son manque de liberté. Ce gouvernement qui l’a
tiré de prison est cependant loin de souhaiter son retour en France.
La Fayette est cependant persuadé que la volonté du Directoire est
réelle et sincère pour arrêter cette malheureuse querelle entre leurs
deux pays, grâce à la médiation Batave.... Il lui semble que naguère
le gouvernement français a pris l’exemple de la Grande-Bretagne.
Ce système d’oppression des derniers pillards et incendiaires du pays,
aussi injustifiable soit-il, avait quelque chose de moins choquant qu’une
imitation d’une politique aussi injuste par les premiers défenseurs,
les premiers et essentiels amis des États-Unis. Nul doute que leurs
dirigeants y ont été amenés en supposant que c’était le moyen de faire
aboutir le traité anglais des Américains. La Dignité de l’Amérique a été
affirmée et une réconciliation aux conditions convenables ne peut que
lui laisser un surcroît de respectabilité nationale et de conséquences
politiques. Cette situation, dont personne ne peut se réjouir plus que
Lafayette, ne serait perdue que par un rejet des moyens honorables
de rétablir l’harmonie entre les deux républiques, par une précipitation
de mesures inutiles pour la légitime défense, ou l’empressement à
être trop mêlés à d’autres puissances européennes…
Lafayette se méfie des Britanniques ; il connaît leur machiavélisme
en Hollande, et a été témoin de leurs efforts pour faire échouer la
révolution en France. Et même s’il pense que l’Angleterre a beaucoup
d’amis vertueux épris de vraie liberté, il est convaincu que leur
gouvernement n’offre aucune confiance. D’autre part, bien que
son amour pour mon pays natal soit inaltérable, Lafayette n’est pas
d’accord avec les mesures arbitraires de son gouvernement, et il
espérait que la doctrine des droits de l’homme s’étendrait de France
vers le monde et des États-Unis vers le reste de l’Amérique Il n’a
jamais perdu le respect dû à l’indépendance mutuelle des nations
émancipées. L’idée d’une guerre entre ces deux pays qui lui sont chers
lui crève le cœur, mais aucun homme n’a été plus attaché que lui aux
intérêts et à l’honneur de la République américaine, et à l’heureux
système de l’union fédérale. Mais il redoute les dangers résultant du
rapprochement des États-Unis avec l’Angleterre contre la France…