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un roman qui me travaille depuis quelque temps. En attendant la vie est belle, facile, magnifique même. C’est un saut dans l’avant

guerre. C’en est déroutant. Nous avons une bonne grosse voiture américaine. On téléphone plus facilement – en moins d’une minute

– de mon bled, , à New York, à Buenos Ayres ou à Rio que de Paris à Passy et il ne faut que deux heures en avion pour être à N.Y. […]

Dommage que Ziza ne soit pas ici… »

Cela viendra peut-être. Enfin il est possible que je monte personnellement en France et en Allemagne une assez grosse affaire, une

affaire de magazine, dont j’ai déjà racheté les droits en Amérique, mais il ne faut pas encore en parler en ce moment car nous en

sommes à l’étude des modalités - question de société, etc. ». (Sainte Marguerite, Canada,

27

novembre

1945

).

Dans la longue lettre du

11

avril

1947

Simenon fait un bilan détaillé de ses ressources innombrables, et dresse l’état de sa fortune. Il

n’en demande pas moins le prêt d’une somme importante car il a des fonds bloqués au Canada.

« Je transmets votre lettre à Tigy. Nous n’avons déjà que trop abusé de votre hospitalité, mais votre amitié - cela commence à dater,

dites donc ! Rue du Fg S

t

Antoine ! (

1924

?

1925

?), votre amitié dis-je, est belle et ça décourage si peu que nous abuserons sans doute

encore. Dommage que l’Arizona soit si loin, en effet, car c’est notre premier établissement où nous n’avons pas eu la joie de vous voir.

Nous sommes en plein bled, à

1500

mètres d’altitude, avec des montagnes de

4

.

000

m alentour. Des ranches… des ranches … des

chevaux, des taureaux, des boeufs, des chevaux encore, des cow-boys… Marie est devenue un vrai cow-boy. Le cheval devient notre

moyen de locomotion le plus courant. J’ai cependant une Packard… « convertible » qui est un bon gros outil, et Tigy une Houdebaeker.

Boule est ici et commence à parler l’anglais ».

« Nous avons deux maisons, à

1

mille de distance, sur le même ranch (ceci confidentiel). J’habite l’une avec ma secrétaire. Tigy l’autre.

Mais nous prenons les repas ensemble. Séparation amiable qui date de notre départ de France (sauf la secrétaire !… [Denise qui va

devenir sa seconde épouse]). Cela se passe sans heurts. Si Tigy est six mois de l’année en France.- Je travaille beaucoup. Les Américains

tournent la

Tête d’un homme

(vieux souvenir, du Ziza !) À Paris, avec Laughton, Peter Lore, Franchet Torie, Claude Dauphin, Victor

Franger, Dalio, Burgess, Meredith… etc., une distribution du tonnerre de Dieu. Pourvu que ce soit un grand film.- Jean Renoir est

venu nous voir récemment. Allons de temps en temps le voir à Hollywood. Rêve de m’acheter un hélicoptère. Cela ne tardera sans

doute pas.

Santé parfaite. Marc magnifique. Un vrai boy d’ici, solide et batailleur ».

« Tumacacori est à

40

milles au sud de Tucon, par la frontière mexicaine (Vozalès), et nous allons sans cesse au Mexique, qui n’est qu’à

½ h. d’auto ». (Tumacacori, Arizona,

4

oct

1948

).

« Tigy, qui est à Reno, me fait suivre votre lettre qu’elle a lue et à laquelle elle a sans doute répondu de son côté. Nous sommes en

effet en train de divorcer, après avoir été pratiquement séparés pendant plus de cinq ans (dès avant notre départ de France). Le divorce

sera prononcé vers le

20

juin. Je partirai le

15

juillet pour l’Europe avec ma jeune femme et mon jeune fils (sept mois) tandis que Tigy

fera le voyage avec boule et Marc à bord d’un bateau quittant New York le même jour. Comme vous le voyez, il y a trop à vous raconter

pour que je tente de le faire par lettre. […] Pour le reste les plans sont assez vagues mais une chose est certaine, c’est que nous

reviendrons aux États-Unis, pour Marc, d’abord, qui y est heureux comme un roi et qui ne veut pas entendre parler d’un autre genre

de vie, pour moi aussi, je l’avoue, qui me suis si parfaitement adapté que je n’envisage pas de vivre ailleurs. En outre , le plus gros de

mes affaires est maintenant ici. […] Avec tant de nouvelles j’oubliais de vous dire qu’après l’Arizona nous sommes venus habiter la

Californie, où nous sommes encore jusqu’au

20

ou

21

juin. Carmel est un endroit charmant, qui ressemble fort au cap d’Antibes ».

(Carmel, Calif.,

20

mai

1950

).

« Hélas ! Le voyage préparé avec tant d’amour n’aura pas lieu cet été. Au dernier moment, d’importantes affaires de radio et de

télévision exigent ma présence à New York pour plusieurs semaines ou plusieurs mois. Déjà nous avions arrangé notre itinéraire pour

passer par Sète et aller bavarder longuement avec vous. Ce sera pour cet automne ou le début de cet hiver. Votre lettre m’a fait un

grand plaisir et ma jeune femme, à qui j’ai si souvent parler de mon vieil ami Ziza, a hâte de vous connaître. Savez-vous qu’en dehors

des camarades de classe vous êtes maintenant mon plus vieil ami ? Et le plus fidèle ! ». (New York,

3

juillet

1950

).

« Le sort nous joue de ces tours. Au lieu de voguer vers la France comme c’était prévu, je suis en train de m’installer dans une propriété

que je viens d’acheter dans le Connecticut. Cela s’est fait en quelques heures. L’occasion était unique. Et les événements internationaux

m’avaient fait remettre mon voyage, car je n’étais pas trop sûr de pouvoir revenir avec toute ma famille. La seule ombre au tableau

est que je ne pourrai revoir mes amis comme je m’en étais fait fête et que ma femme devra encore une fois remettre à plus tard le

plaisir de les connaître ». (Lakeville, Conn.,

10

août

1950

).

« Tout d’abord, par l’acte de divorce, j’ai donné à Tigy tout ce que je possédais en France, sans exception, Nieul, les quelques mobiliers

qu’il contient ou qui sont en garde-meubles un peu partout, les titres que j’avais commencé à accumuler et la part d’or qu’Honorez, à

qui j’avais confié pour un temps le soin de certaines de mes affaires, ne m’a pas volé (il m’a volé plus de cinquante mille dollars au

cours de l’époque et cela ne lui a coûté que huit mois de prison. Quant à l’argent… Passons !). Donc, je n’ai rigoureusement plus rien

en France, à l’exception de quatre gravures anglaises que je me suis réservées et de quelques assiettes de faïence. Je lui ai donné en

outre les tableaux (ils se trouvaient ici), l’argenterie, et, d’une façon générale, tout ce qui se trouvait ici, sauf mon lit, ma machine à

écrire et la plus grande partie de mes livres. De sorte que, le divorce prononcé, je ne possédais plus rien et repartais à zéro. Avec cette

différence qu’avant de commencer à manger, il faut absolument que, chaque mois, je trouve un peu plus d’un millier de dollars pour

l’alimonie [?], l’assurance-vie que j’ai dû contracter à son bénéfice et différents versements obligatoires. J’aime mieux ne pas compter

ce que cela fait en francs français ».

« Et c’est dans ces conditions que, soudain, au lieu de m’embarquer pour la France, j’ai fait une chose qui pouvait paraître une folie :

acheter une propriété qui me coûte un peu plus de

39

.

000

dollars , mais qui, cela ne fait aucun doute, en vaut environ

75

.

000

et qui

est un rêve. Vous me connaissez. Et vous vous figurez bien qu’il m’a fallu faire appel aux fonds épars un peu partout, prendre de tous

les côtés sur mes contrats d’édition, etc., etc. Cela signifie, en somme, que j’ai vendu d’avance ma production de plus d’un an et que,

rien que cette année, j’ai encore quatre romans à fournir, y compris celui que j’espère finir cette semaine ». (Lakeville, Conn.,

6

septembre

1950

).