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tard. Les autres romans s’accumulent dans mon coffre en banque et constituent à l’heure actuelle le meilleur des placements. Enfin, le
cinéma ne cesse de me harceler. Je dois en être au
16
ou
17
eme
film vendu, mais je ne m’en occupe pas du tout car je me trouve beaucoup
mieux en famille dans notre petit coin ». (Saint-Mesmin,
7
mai
1943
).
« Nous vivons en autarcie dans notre coin et tous ces messieurs de Paris, éditeurs ou cinéastes, font sans cesse la route. Encore trois
demandes de films cette semaine. Je n’en ai pas pour tout le monde. J’en garde, car c’est le meilleur de tous les placements. Raimu à
lui seul a encore trois films à tourner de moi, deux cette année et un l’an prochain. Toutes (
sic
) ces gens là n’imaginent pas que leurs
télégrammes urgents m’arrivent au fond du jardin où je leur fais répondre n’importe quoi pour avoir la paix. J’ai bien gagné le droit
de travailler enfin pour moi comme il me plaît, quand il me plaît, et de mettre mes bouquins en cave ! ». (Sète,
11
Juin
1943
).
« J’ai bien reçu aussi de vous, je suppose, des coupures de presse. Un grand merci. Je ne sais rien de ce qu’on a écrit de moi depuis
4
ans en zone libre ». (Saint-Mesmin,
15
juin
1943
).
« Nous voilà rentrés dans nos pénates. Marc magnifique. Boulot fou. Le cidre à faire. Les conserves. Le jardin. Les semis. Les champs. Les
bêtes. Bref, travail jusqu’au cou… et je voudrais commencer un roman la semaine prochaine ! ». (Saint Mesmin,
15
septembre
1943
).
« Quel dommage que vous ne soyez pas ici. Nous avons eu jusqu’à hier la marraine de Marc, la fille de Vlaminck, qui aurait aimé faire
votre connaissance - et qui vous aurait plu. Nous avons aussi d’autres amis de Paris. Bref, nous aurions constitué tous ensemble une
petite bande qui ne se serait pas embêtée un instant […] Vous recevrez très prochainement un colis plus important. Je vous en avais
parlé. C’est avec joie que je recevrais les deux livres de Monzie, à qui j’adresserai mes derniers. Je ne sais pas si vous avez tout ce qui
est paru depuis la guerre mais je crois que oui :
La Veuve Couderc
–
La Vérité sur Bébé Donge
–
Le Fils Cardineau
-
Maigret revient
-
Le Petit Docteur
-
Les Dossiers de l’Agence O
.… C’est tout. Il en paraîtra encore un ou deux que je vous enverrai aussitôt. Dites moi
si vous les avez tous ». (Saint Mesmin,
28
décembre
1943
).
« En attendant, tout va très bien. Je me rétablis rapidement. La maladie, me promet-on, ne laissera aucune trace. Je recommence à écrire
quelques nouvelles, comme on fait des gammes, avant de me lancer dans le travail plus sérieux d’un roman. Deux romans vont paraître
ce mois-ci, l’un aux Éditions de la Jeune Parque (c’est la même direction que « Carrefour ») et l’autre chez Gallimard avec qui je reste
très lié. Mais je ne m’engage pas pour le moment, étant donné que j’ai enfin la chance de n’être plus tenu par un contrat et de tenir
les éditeurs en haleine. Petit à petit seulement je céderai les romans que j’ai écrits pendant la guerre et que je tiens en réserve, y compris
Pedigree
. J’ai de bonnes nouvelles d’Angleterre et d’Amérique ou mes romans ont continué a paraître pendant toute la guerre, avec
un très gros succès, et où ils paraissent encore actuellement ». (Les Sables d’Olonne,
9
janvier
1944
)
« Ne m’en voulez pas de vous avoir laissé si longtemps sans nouvelles. On a été longtemps sans pouvoir écrire. Et, de mon côté j’étais
… au lit. En effet, fin avril j’ai été atteint d’une grave pleurésie. J’ai gardé le lit un mois. Puis, faute du Midi, je suis venu en
convalescence aux Sables (d’Olonne) où j’ai fait coup sur coup deux fortes rechutes. Je suis encore à la chambre. On a craint un moment
que ce soit tuberculeux mais depuis qq. jours une consultation de spécialistes m’a complètement rassuré […] Il faudra probablement
que j’aille en convalescence à Pau mais avant cela il est possible que je doive aller à Paris quelques semaines pour voir les médecins et
m’occuper de mes affaires ». (Les Sables d’Olonne, Vendée,
1
er
déc.
44
).
« J’ai recommencé à travailler, un tout petit peu, une nouvelle de temps en temps, pour me refaire la main. À Paris seulement je me
remettrai à un roman. Il va en paraître trois coup sur coup, dont un en grand luxe. Dès que je recevrai mes exemplaires je vous les
enverrai. D’autres suivront car j’ai une réserve assez sérieuse. Et partout on me demande des droits de cinéma. Avant tout il faut que
je reprenne pied solidement dans la vie réelle ». (Les Sables,
20
janvier
1945
).
Deux lettres de Régine, l’épouse qui ne tardera pas à être éloignée et qui constate de son coté l’activité dévorante de l’auteur :
« Quant à nous tout va bien. Georges ne sait plus où donner de la tête entre le cinéma et l’édition - je ne le vois pas bien longtemps
car il est complètement repris par la vie parisienne - après
6
ans de vie paysanne ça nous change et ça fait plaisir ».- « En effet nous
avons quelques projets qui nous ont tenus à Paris - Nous voulons passer l’hiver au Canada ou aux États-Unis. En effet Georges a de
gros intérêts là-bas et voudrait les surveiller de près - son succès est grand aux États-Unis et nous allons pouvoir avoir nos visas pour
partir là-bas ». (
5
juin,
17
juillet
1945
).
« Nous sommes partis en
48
h. via Angleterre, Canada, États-Unis, Amérique du Sud, pour un voyage de
5
ou
6
mois. On me réclame
partout et j’ai en particulier de grosses affaires à Hollywood. Marc et Tigy sont avec moi. Nous embrayons d’une heure à l’autre pour
Montréal. […] M. Honoré,
112
, avenue Gambetta, Paris (
20
e) me fait suivre tout mon courrier par la valise diplomatique, car je suis
en mission officielle du gouvernement français. Merci encore, mon cher Ziza, ami de la première heure, jamais découragé… ».
(Londres,
13
septembre
1945
).
« Enfin,
p.ceq. c’est dimanche, j’ai un petit moment pour vous donner des nouvelles. Voyage magnifique et presque triomphale. À N.
Y. les affaires vont à merveille - et nous avons passé
8
jours à passer de main en main, de réception en réception. J’y retourne seul dans
15
jours pour y signer toute une série de gros, de très gros contrats. Comme à Londres. Comme ici. Tout le monde veut du Simenon,
sous toutes les formes, radio, livre, journaux, cinéma, conférences, etc. Je suis obligé d’établir une sorte de cordon sanitaire ».
« Depuis hier ma femme et mon fils sont installés à la campagne, à
60
km environ de Montréal, dans une région splendide au bout
d’un lac immense, bordé de forêts où on fera déjà du ski dans
15
jours. Une grosse maison de pierre, d’abord, moderne, confortable.
Plusieurs salles de bains, chauffage central au mazout, air climatisé, et… puis, à
50
m, une autre maison pour moi. Maison canadienne
en gros troncs d’arbre, avec le même confort. J’ai une grosse auto américaine. Marc a une institutrice bilingue… Bref, c’est très bien
et je vais les rejoindre mardi en auto. Au début novembre je vais à New York, puis à Hollywood. Et on m’attend en janvier à Buenos
Aires et à Rio de Janeiro ! Que de boulot ». (Montréal,
21
octobre
1945
).
« Mais aussi que de travail. Depuis que j’ai quitté la France, cela s’accumule avec une vitesse vertigineuse et je ne sais plus où donner
de la tête. Radio, conférences, cinéma, éditions dans toutes les langues, dans tous les formats. Je viens de passer trois semaines à New
York et d’y signer de si gros contrats que je serai sans doute obligé d’y avoir un bureau. J’ai parlé à toutes les radios imaginables, toutes
vont adapter en outre du Simenon, et je parle encore ce jeudi à deux postes différents de Montréal, dont un ondes courtes pour la
France…Vous voyez qu’on n’a pas le temps de se retourner. J’espère cependant être à peu près tranquille quelque semaines pour écrire