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Lettre inachevée à la « Chère et très noble
Paule», non datée mais vraisemblablement
de la première moitié de 1900 au temps
des fiançailles, se demandant s’il ne doit pas
s’excuser « près de vous, – qui demeurez,
en somme, – sobre et pensante, – de vous
donner, tous les jours, en spectacle, le reste
ivre du peuple […] Je vois que vous ne savez
plus où mettre vos célèbres regards, sinon
sous vos mains; et que parfois vous incom-
mode d’une façon très complexe le mélange
ridicule, poignant et tendre qui s’opère autour
de vous. Vous êtes comme toutes les per-
sonnes sensibles à qui il échoit d’apercevoir
et de poursuivre une chose importante et
définitive: elles ont bien plus de courage pour
concevoir et exécuter, que pour regarder
ensuite leur œuvre faite: comme si l’architecte
avait peur de la cathédrale au lieu de trembler
naguère devant son vide emplacement ! Je
sais bien que peut-être maintenant – les
autres arrangés – votre propre souci doit
vous venir, et que vous ne vous trouvez pas
la force, pour vous, que vous avez employée
aux bonheurs d’alentour. Ce serait à nous,
à présent !.. Mais sans doute, – il y faudrait
justement tous vos dons, et puis – vous qui
avez confessé Jeannie – et qui m’avez
fait
confesser, vous ne vous confessez pas. Ce
que vous nommiez hier votre “malaise moral”,
je crois, peut donner lieu à des suppositions
infinies. Je me suis demandé si quelque
chose vous avait blessé»…
[Paris 11 novembre 1901]
.
Amusant sonnet
calligraphié à l’encre violette d’une élégante
écriture contrefaite et signé « R. de M», avec
enveloppe calligraphiée à Paule Gobillard à
Saint-Georges de Didonne (Charente infé-
rieure), intitulé
A la Mer
:
« Laupe d’un pied débile et trop bizarre, tâte
Non sans le souvenir de fabuleux frissons
L’élastique Océan tourmenté de poissons
Qui flairent le méthyle et la pieuse ouate»…
Lundi [1923]
. Il se réjouit du succès de l’ex-
position de Paule: « tu as pas mal vendu.
Mes tableaux n’en sont pas encore là, mais
enfin cela viendra. […] Je voudrais savoir si
Eupalinos
paraît dans les librairies. J’ai reçu
un exemplaire qui n’est pas mal. Il est vrai
que c’est un Lafuma. Je passe mon temps,
qui est chargé de nues, rayé de pluie, et tym-
panisé de tonnerres, à peindre et à tapoter
mes divers cahiers»…
[Giens 14 mars 1925]
. « Quelles marines on
ferait avec ces iles et ces voiliers. […] Il y a des
criques très singulières, des roches jamais
peintes – mais pas pour ton pied !»…
[Berlin] 3 novembre [1926]
. Sur sa conférence:
« Le Tout Berlin était dans les salons d’en
haut, et moi dans les affres les plus atroces.
J’ai dansé sur la corde roide – et j’espère
n’être pas tombé»…
On joint
2 L.A.S. de Paule GOBILLARD à
Paul Valéry, 2 et 18 janvier [1900]. « La boite
de fruits se désemplit. Laërte [le lévrier de
Julie Manet, offert par Mallarmé] a choisi
une châtaigne qu’il a mangée avec recueil-
lement»… – Réponse à la lettre du 17 janvier,
invitant Valéry à venir diner avec « la horde»,
qui a beaucoup ri du remède. « Le Karako,
fier de son drapeau, vous souhaite moins
névralgique»… Plus un carton d’invitation aux
Tuileries sous Napoléon III pour le conseil-
ler-maître Morisot.
littérature