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les collections aristophil
germanica
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WAGNER RICHARD
(1813-1883).
L.A.S. « Richard Wagner », Dresde 14 septembre 1843,
[au Dr August SCHMIDT, éditeur de l’
Allgemeine Wiener
Musikzeitung,
à Vienne] ; 2 pages et demie in-4 remplies
d’une petite écriture serrée ; en allemand.
6 000 / 8 000 €
Importante lettre à propos du succès de
Rienzi
et du
Vaisseau
fantôme
à Dresde.
[Rienzi
avait été créé à Dresde le 20 octobre 1842 ; le 2 janvier 1843,
c’était au tour du
Vaisseau fantôme (Der Fliegende Holländer)
.
Ludwig Spohr dirigea
Le Vaisseau fantôme
à Cassel en mai.
L’
Allgemeine Wiener Musikzeitung
ne rendit compte de Rienzi que
le 7 et 9 févier 1843, accusant Wagner de massacrer les voix, ce
qui provoqua une réplique d’un musicien de Dresde, tandis que
l’éditorial de Schmidt se montrait agressif à l’égard de Wagner. Sans
publier la lettre de protestation de Wagner, répondant point par point
aux critiques qui lui étaient faites, Schmidt inséra dans le numéro
du 5 octobre une réponse ouverte toute formelle.]
Comme il ne lit pas régulièrement les gazettes, Wagner vient tout juste
de prendre connaissance de l’animosité à laquelle le journal de son
correspondant a eu recours pour nuire à sa réputation de jeune artiste.
Il ne conçoit pas qu’un musicien allemand soit traité de façon aussi
acerbe à une époque et – en ce qui concerne le journal – un lieu où
l’art allemand est négligé si pitoyablement, en faveur d’art étranger,
malgré une représentation heureuse et réussie ; il est convaincu que
l’inspirateur des comptes rendus détaillés de
Rienzi
était un ami sans
scrupule, un vain rival… En tout cas Wagner n’a certainement rien fait
pour nuire personnellement à son correspondant, et pour provoquer
dans le journal une réfutation dont il ignore le véritable auteur, et que
son Schmidt a accompagnée d’observations des plus incriminantes…
Or il est convaincu qu’une très bonne œuvre, dès lors qu’elle voit le
jour sous forme non mutilée, est aussi peu empêchée par des attaques
journalistiques sans fondement d’être reconnue progressivement,
qu’une médiocre pièce l’est par le soutien de la presse, aussi zélé
soit-il ; aussi, ce que le concile du journalisme en décide lui est
indifférent. Mais Wagner s’attriste, à une époque où un effort collectif
et bienveillant de toutes les intelligences patriotiques est si nécessaire
pour promouvoir puissamment la musique allemande dramatique,
et combattre le fléau de l’opéra italien, de voir la vieille animosité,
dépourvue de caractère, continue de semer la corruption même
dans les meilleurs journaux, chaque fois que paraît quelque chose de
nouveau sur le sol allemand, quand ce n’est pas sous l’aile de quelque
coterie… Au reste, les insinuations du journal à son encontre ne
lui ont pas nui, même là où elles furent publiées, car il a reçu une
commande de l’administration du Théâtre de l’Opéra de la Cour
impériale et royale, pour composer un opéra pour l’hiver de 1844-
1845. Cependant comme tous les talents ambitieux pourraient ne
pas obtenir des succès aussi brillants et incontestables que
Rienzi
à
Dresde, il demande cordialement, dans l’intérêt de la régénération
de l’opéra allemand, qu’à l’avenir les débuts de musiciens allemands
soient salués de façon plus accueillante que les siens ne l’ont été,
et cela, sans prétention de gagner la faveur de Schimdt, ce qui ne
pourrait arriver que si ce dernier connaissait et aimait ses opéras.
Pour démontrer l’étendue de l’injustice qui annonçait en fanfare que
Le Vaisseau fantôme
était un échec à Cassel, Wagner transmet des
lettres de SPOHR, qu’il ne connaît point, ainsi que quelques extraits
de la
Chronique des théâtres,
dans le seul but de convaincre Schmidt,
personnellement, de son erreur, et sans demander de droit de réponse
dans son journal. Il fait seulement observer que la personne le plus
expérimentée et la plus impartiale peut être amenée à de graves
incohérences si elle n’examine pas la source de rapports sur des
phénomènes inconnus…
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WAGNER RICHARD
(1813-1883).
L.A.S. « M.W. » (minute pour sa femme Minna Wagner),
[Zürich 4 novembre 1854], à l’Intendant général von
HÜLSEN, du Théâtre de la Cour de Prusse] ; 2 pages oblong
in-8 remplies d’une écriture serrée, sous une chemise
de maroquin vert ; en allemand.
3 000 / 4 000 €
Requête rédigée au nom de sa femme, en vue d’obtenir de rentrer
d’exil à l’occasion d’une production de
Tannhäuser
à Berlin.
[En exil depuis sa participation au mouvement révolutionnaire
de mai 1849, Wagner ne sera amnistié qu’en 1861 ; il n’assista pas
au
Tannhäuser
donné à Berlin le 7 janvier 1856. Minna Wagner,
en Allemagne en septembre et octobre 1854, s’entretint avec von
Hülsen le 9 octobre, à Berlin, puis se rendit à Weimar pour parler
avec Liszt, et à Dresde, pour présenter au Roi de Saxe une supplique
pour obtenir la grâce de son mari.]
Elle prend la liberté de tenir au courant l’Intendant de l’affaire dont
elle lui a parlé récemment en personne. Depuis sa visite à Weimar
et son retour à Zürich, elle est convaincue qu’il ne s’agit plus que
de trouver le moyen de reprendre la condition de la participation
officielle de M. LISZT dans la représentation de
Tannhäuser
à Berlin,
sans embarrasser ni blesser ce fidèle ami de son mari. Le mieux
serait de faire en sorte que son mari lui-même vienne à Berlin,
parce qu’alors la condition antérieure deviendrait superflue.
Aussi décida-t-elle de se rendre directement de Weimar à Dresde
pour obtenir des plus hautes autorités, que son mari soit autorisé
à rentrer en Allemagne. Comme elle avait le soutien d’une lettre
du Grand-Duc de Weimar au Roi de Saxe, elle réussit à faire bien
recevoir sa requête ; on lui dit cependant que des actes politiques
tels qu’une grâce ne pouvaient s’accomplir en moins d’un trimestre.
Si l’Intendant général souhaite vraiment monter
Tannhäuser
cet hiver,
il serait peut-être mieux à même de le rendre possible, s’il avait la
bonté d’envoyer une requête aux autorités compétentes à Dresde,
pour savoir si elles s’opposeraient à la venue de Wagner à Berlin pour
quelques semaines, dès maintenant, en vue de la représentation de
son œuvre. En se fondant sur l’état d’esprit qu’elle trouva à Dresde,
elle a confiance qu’une telle requête, si honorable pour son mari,
pourrait accélérer l’amnistie de Wagner, ce qui ferait disparaître tout
obstacle à la représentation de son opéra à Berlin. En outre, Wagner
n’insisterait pas sur un engagement officiel à Berlin, pas plus qu’il ne
songerait à diriger lui-même l’opéra. Il s’agit seulement d’obtenir
l’autorisation d’être à Berlin à l’époque des répétitions, et de servir
l’esprit de la production en nouant des contacts personnels avec les
interprètes. Comme elle estime que ce serait la seule manière de sortir
de l’impasse de la condition concernant Liszt, et comme en même
temps elle désire ardemment que
Tannhäuser
soit représenté sur
la scène exceptionnelle qu’on a confiée au directeur, elle s’enhardit,
encouragée par sa grande bonté, à l’assurer qu’en accordant son
vœu, il rendrait très heureuse l’épouse inquiète du destin de son mari…