69
beaux-arts
88
MAGRITTE RENÉ (1898-1967).
L.A.S., Bruxelles 23 juin 1967, à Sarane ALEXANDRIAN;
2 pages in-4, enveloppe.
1 500 / 2 000 €
Très intéressante lettre sur sa conception de la peinture et le
surréalisme
.
[Sarane ALEXANDRIAN (1927-2009) préparait alors son livre sur
L’Art
surréaliste
(Hazan, 1969).]
« Je ne considère pas le Surréalisme comme la recherche de nouveaux
mythes, malgré le prix donné à certains mythes anciens par certains
surréalistes. Il m’est impossible de me passionner pour des idées et
des sentiments qui se réfèrent à une tradition ou à ce qu’on appelle la
“culture”. En cela, je suis en accord avec les dadaïstes […] Je préfère
les possibilités que la pensée doit à l’imagination plutôt qu’à l’invention
[…] L’imagination –
qui n’imagine pas de l’imaginaire
– découvre les
moyens de donner un contenu passionnant à des mots tels que :
l’amour, le mystère, la poésie, la liberté. Je ne distingue pas l’absolu
du passionnant, ni la subjectivité de l’objectivité. Je conçois l’art de
peindre comme science de juxtaposer des couleurs de telle sorte
que leur aspect effectif disparaisse et laisse apparaître une image
poétique. […] Il n’y a pas de “sujets” ni de “thèmes” dans ma peinture, il
s’agit d’imaginer des images dont la poésie restitue à ce qui est connu
ce qu’il a d’absolument inconnu et d’inconnaissable. » Ce n’est pas
« une “peinture littéraire”, puisqu’elle n’est que la description d’une
pensée uniquement constituée par des figures du visible. L’invisible
[…] ne saurait en aucun cas, être “exprimé”, montré ou interprété
par la peinture sans mystification ». Une fois le tableau fini, il faut lui
donner un titre : « Cela exige autant d’imagination que pour imaginer
le tableau lui-même. Étant donné mon peu de moyens pour penser
avec des mots, (je pense mieux avec des figures du visible), les titres
sont parfois inégaux. Je retiens comme titres sans défaut : L’acte
de foi, La Cascade, La lunette d’approche, Le char de la vierge, Le
mal du pays, Le domaine d’Arnheim, Les fleurs du mal, et quelques
autres ». Il insiste sur le côté « familier » des peintures comme des
titres, la poésie étant pour lui « tout autre chose que ce sentiment
de mystère et d’irrationnel imaginaires et gratuits qui correspondent
au “fantastique” des romans d’anticipation »…
89
MAGRITTE RENÉ (1898-1967).
MANUSCRIT autographe avec 4 DESSINS originaux
au verso ; 2 pages in-8 (20,5 x 13,5 cm) au stylo bille noir.
2 000 / 3 000 €
Brouillon de réflexions sur la peinture, biffé, avec quatre dessins
au verso
.
« Il n’y a rien à dire de la peinture, si ce n’est pour entendre ce que l’on
écoute. On regarde la peinture pour Voir. Voir n’est pas réfléchir à ce
que l’on regarde. […] Comment peindre des images qui n’invitent pas
la Pensée à se distraire ? […] Je ne connais qu’une seule conception
de l’art de peindre qui réponde à cette question : celle qui me fait
veiller à peindre des images qui montrent les choses du monde dit
réel de manière à ce qu’elles ne correspondent plus à des idées ni
à des sentiments. […] Seules les images qui montrent les choses –
débarrassées de leurs points d’interrogation – me semblent devoir
être peintes. Ces images montrent les choses et ne “représentent”
rien, ni personne. C’est nous-mêmes qui devons les “représenter”,
c’est- à-dire, être – comme elles – le Mystère, qui ne pose pas de
questions »…
Les
dessins
au verso, au stylo noir, probablement des idées de
tableaux, représentent un rocher, un cercueil avec une lyre, un tronc
d’arbre d’où pousse une rangée d’arbres, et un personnage barbu
en buste, avec pipe et chapeau.
89