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Musique et spectacle
447.
Nicolas NABOKOV
(1903-1978). L.S.,
Baltimore (Maryland)
[vers 1945], au recteur de l’Université de Bogota en
Colombie ; 1 page in-4, en-tête
Peabody Conservatory of Music
(petite fente au pli) ; en anglais.
100/150
M. Luis
E
scobar
, son élève depuis deux ans, a encore beaucoup à apprendre avant de devenir un véritable compositeur. Il a travaillé
intensément et a beaucoup appris de la vraie structure de la musique, des formes musicales, des techniques et des styles, etc. Il est
décidément talentueux et Nabokov souhaite continuer de l’instruire et le voir s’épanouir en tant que compositeur. Le travail de M.
Escobar a souffert du paiement irrégulier de sa bourse d’études : la détresse et l’incertitude financière ont engendré un état d’anxiété
et de dépression. Nabokov recommande sans hésiter le renouvellement de la bourse, mais croit avantageux que M. Escobar habite New
York, source d’avantages inégalés pour un jeune musicien doué…
O
n
joint
une carte signée.
448.
Joaquin NIN
(1879-1949).
M
anuscrit
musical
autographe signé,
Chant élégiaque
(vocalise), pour chant et orchestre
,
1930 ; titre et 10 pages in-fol. (petite fente réparée au 1
er
feuillet).
500/600
P
artition
d
’
orchestre
de
cette
vocalise
pour
voix
et
orchestre
, en ré bémol majeur à 6/8, marquée
Lento giusto e con espressione
lugubre
; l’œuvre compte 51 mesures. L’effectif orchestral comprend 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons, 2 cors en fa, harpe, violons I
et II, altos, violoncelles, contrebasses. Le manuscrit est à l’encre bleu sombre sur papier à 20 lignes.
Joaquin
N
in
, pianiste et compositeur cubain, est le père de l’écrivain Anaïs Nin.
449.
Luigi NONO
(1924-1990).
M
anuscrit musical
autographe, [
La lontananza nostalgica utopica futura
, 1988] ; 10 pages
la plupart in-fol., en partie découpées et assemblées au scotch avec collettes.
4 000/5 000
M
anuscrit
spectaculaire
de
la
partie
de
violon
solo
utilisée
par
G
idon
K
remer
pour
la
création
de
l
’
œuvre
,
une
des
toutes
dernières
de
N
ono
.
La création fut donnée par Gidon Kremer à Berlin le 3 septembre 1988, à la Kleine Philharmonie, dans le cadre des Berliner Festwochen.
Le sous-titre de l’œuvre est « Madrigal pour plusieurs “caminantes” [voyageurs] avec Gidon Kremer, violon solo, 8 bandes magnétiques,
et de 8 à 10 pupitres », ces pupitres étant ceux, répartis dans l’espace de la salle, sur lesquels étaient posés les feuillets de la partition,
et entre lesquels Kremer se déplaçait.
Dans le texte accompagnant son enregistrement, « Luigi Nono : L’itinéraire imprévisible d’une amitié », Gidon Kremer raconte
longuement l’histoire mouvementée de cette œuvre, et de ce manuscrit. Dans l’intention d’un projet commun, le compositeur et le
violoniste se retrouvèrent en 1987 à Fribourg, à la Fondation Strobel : pendant des jours, Nono fit jouer et improviser Kremer, à la
recherche de sons nouveaux qu’il enregistrait, et qui servirent à l’élaboration des bandes et sons électroniques qui devaient se confronter
à la partie de violon. Mais Kremer demandait en vain à Nono de lui envoyer la musique qu’il devait jouer ; à son arrivée à Berlin, 48
heures avant la création, il n’avait toujours rien. Nono lui fit entendre les 8 bandes magnétiques réalisées d’après les improvisations
de Fribourg, et quelques vagues esquisses. Le lendemain matin 1
er
septembre, Nono lui montra « deux feuillets couverts de notes.
“C’est le début”, m’annonça-t-il. Il voulait à présent écrire la suite. Dans une pièce de l’appartement, j’essayai de déchiffrer le texte
tandis que Gigi mettait sur papier le reste de l’œuvre dans une autre pièce quelque peu à l’écart. Ma partition me surprit d’emblée par
d’innombrables notes très aiguës, des pauses, des pianissimi, par l’articulation extrême qui y était requise et la technique d’archet “con
crini, senza vibrato, suoni mobili” – l’autographe était surchargé d’une foule d’indications. […] certains sons étaient notés sur des lignes
supplémentaires dans un registre si aigu qu’il me fallut un temps fou rien que pour les déchiffrer. Gigi, malgré sa hâte, avait écrit la
hauteur du son :
do
dièse,
ré
bémol etc. Mais il l’avait fait le plus souvent après les notes, ce qui ne me facilitait guère la tâche. […]
Je mis beaucoup de temps à venir à bout du déchiffrage, à trouver les hauteurs de son et les bons doigtés. Je dus ensuite me débattre
avec le rythme. Les pauses interminables, les durées indiquées en secondes, les nombreuses valeurs courtes et leur notation difficile à
déchiffrer compliquaient incroyablement la lecture. Je venais juste d’arriver au bout des deux premières pages avec l’aide d’un crayon,
quand Gigi apparut avec les deux pages suivantes. […] À midi, Nono n’eut soudain plus d’encre dans son stylo. Il continua au stylo bille.
Ce qui rendit la partition encore plus illisible. Mais je ne perdis pas courage pour autant. Cela ne fit qu’accroître la tension ». Après une
pause, à 18 heures à la Philharmonie, Kremer retrouve Nono avec les trois derniers feuillets. Vers 20 heures, commence la répétition,
et Kremer joue avec les sons de la bande : « Je n’exagère pas en disant que mon jeu n’était encore qu’un déchiffrage au violon. […] La
partie soliste comptait alors neuf pages. Où fallait-il changer de page ? Comment pourrait-on disposer ces neuf pages ? Nono voulait
répartir les épisodes. […] Gigi demanda une paire de ciseaux et nous discutâmes. Des passages de ma partie soliste furent découpés, nous
eûmes tout d’abord cinq, puis six fragments. L’installation électronique devait soutenir mon jeu en différents points de la salle. La bande
préparée avait pour rôle de créer un dialogue polyphonique entre la partie de violon enregistrée et la partie de violon concertante ».
Comme les haut-parleurs étaient disposés dans toute la salle, le son se promenait, et Nono incita Kremer lui aussi à se déplacer : « Ces
déplacements déterminèrent le découpage en différents épisodes. J’eus la possibilité de mettre en scène ces allées et venues. Gagné par
mon enthousiasme pour la théâtralité de l’exécution, Gigi se laissa convaincre par presque toutes mes propositions. Pour la fin, j’eus
l’idée de quitter la salle sur la dernière longue note, qui devait être récupérée par l’installation électronique, en cherchant et en errant. (À
ma grande surprise, je devais par la suite retrouver dans la version imprimée de l’œuvre certaines des propositions que j’avais faites pour
ce concert – et donc dans le contexte de mon exécution.) » Le lendemain, à la répétition générale, « on agença et recolla différemment
les feuillets de la partition et on améliora quelques détails techniques. […]La première fut un succès. En évitant toute sonorité vulgaire
ou connue, Nono avait créé une musique jamais entendue, une musique inouïe ». Le lendemain, par suite d’une brouille de Nono avec
les organisateurs du festival, Kremer joua la seule partie solo. En octobre, Nono et Kremer se retrouvèrent pour la création italienne
à la Scala de Milan. Nono peut mettre au point l’édition de sa partition avant de mourir ; l’enregistrement en eut lieu après sa mort.