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Histoire

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LARREY Dominique-Jean, baron

(1766-1842) le grand chirurgien

militaire.

L.A.S. « D.J. Larrey D

r

. m. Ch. »,

Berlin 17 avril 1812, à SA FEMME « la

Baronne Larrey » à Paris ; 3 pages

in-4 remplies d’une écriture serrée,

adresse avec marque postale de la

Grande Armée (petite déchirure par

bris de cachet restaurée).

1 500 / 2 000 €

Émouvante et tendre lettre du chirurgien

à sa femme, alors qu’il s’apprête à partir

pour la Campagne de Russie

.

[Larrey avait épousé en 1794 Marie-Élisabeth

LAVILLE-LEROUX (1769-1842), qui avait été,

comme sa sœur Marie-Guillemine, l’élève du

peintre David ; ils eurent deux enfants : Isaure

(née en 1798) et Félix-Hippolyte (né en 1808).]

Ayant reçu une nouvelle alarmante de sa

femme, Larrey lui adresse cette magnifique

déclaration d’amour, évocation des épreuves

traversées ensemble : « Comment ma chère

Laville après avoir aussi courageusement

supporté les peines et les miseres du chemin

que nous avons fait ensemble tu voudrais

me quiter au premier repos de notre car-

rière ? Tes compagnons mourraient de cha-

grin ma bonne mère nous serions comme

les matelots qui ayant perdu leur pilote au

milieu des mers sont livrés à la mercy des

flots – la barque vogue en tout sens, les uns

sont épuisés des vains efforts qu’ils n’ont

cessé de faire, les autres épouventés perdent

l’équilibre, abandonnent les rames et tous

périssent de désespoir. Voila le sort que tu

nous ferez épreouver. Non ma tendre amie

la providence te conservera pour tes enfants

à qui tu es d’une nécessité indispensable ».

Qu’elle suive bien le régime que Larrey lui

a prescrit, et elle se portera bien. « Ne te

donne surtout point d’inquiétude sur mon

sort. Je dois soufrir sans doute et je m’at-

tends à souffrir plus que jamais, mais je suis

fort et robuste, ma santé est intacte aucune

cause cachée ne peut rompre chez moi les

ressorts de la vie et pourvu qu’on ne nous

fasse mourir de faim et de soif comme les

armées de Charles XII, j’ai l’idée bien établie

dans mon esprit que je viendrai te retrouver

encore ». Il veut chasser les idées tristes de sa

femme et la soigne en quelque sorte à dis-

tance : « par cette puissance sympathique, je

t’ai sauvé la vie plusieurs fois de loin comme

de près et certes ce n’étoit pas les remèdes.

Aime moi tendrement comme je t’aime et

nous mourrons ensemble au point où la

nature a fixé le terme de notre voyage »… Il

lui donne ensuite quantité de conseils pour

organiser son existence durant sa longue

absence, faisant des recommandations pour

la santé de sa femme et des enfants, pour

les finances, etc. Il lui demande de terminer

au plus vite son portrait : « J’ai besoin de ce

talisman il m’aidera à supporter les vicisitudes

de la penible campagne que nous allons

faire »… Il voit sa femme et ses enfants dans

ses rêves… Etc.