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N° 21 – Catalogue de vente du 2 avril 2020

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filigranées de plus petite taille mais similaires sont à noter au début de

chaque sermon.

Ce manuscrit apparaît à une époque charnière de l’histoire de la pré-

dication, dont l’esprit se renouvelle radicalement au XIII

e

 siècle. Le

sermon lui-même, tout d’abord, change de forme. On l’appelle alors

sermo modernus

. Il se compose d’une citation biblique appelé

thema

.

Cette citation est analysée et interprétée selon les différents sens de

l’Écriture Sainte. Le sermon se construit à cette époque comme un

genre à part entière, prenant son indépendance vis à vis du commen-

taire exégétique et du traité théologique.

Ce changement qualitatif s’accompagne d’un changement quantitatif.

La prédication publique prend un réel essor, incarné en particulier par

l’activité des ordres mendiants, et le besoin de recueils de sermons se

développe. Une littérature nouvelle apparaît, constituée de matériaux

pour la prédication : recueils d’

exempla

(petites histoires au contenu

moral), recueils de

distinctiones

(répertoire des vocables présents dans

la Bible et interprétation spirituelle de chacune de leurs occurrences),

ou encore, recueils de modèles de sermons pour aider les prêtres à

préparer leur propre prédication. Ce manuscrit témoigne de ce mou-

vement et se distingue par sa conception inhabituelle.

Quelques marginalia d’époques variables, entre le XIV

e

et le XVI

e

 siècle.

Provenance : une note manuscrite au feuillet de garde indique le pro-

bable don du livre au sanctuaire de Notre-Dame de Laghet par le

comte Michaud de Beauchamp, le 2 octobre 1889.

Nous remercions Marguerite Vernet pour son identification et son analyse

détaillée de ce manuscrit, apportées gracieusement

.

Voir les reproductions.

4000 / 5000 €

209.

[

Manuscrit

].

Recueil de sermons. Latin. France, fin XIII

e

-

début XIV

e

 siècle.

Petit in-4, manuscrit sur parchemin, [188] feuillets

(195

×

152 mm en moyenne, courts de marges), reliure pleine basane

havane du XVIII

e

 s., soigneusement restaurée, dos à cinq nerfs orné aux

petits fers, pièce de titre en maroquin rouge portant la mention « Postillae

majores ».

Manuscrit inédit et non répertorié, en écriture gothique livresque et

enluminé. Il offre un précieux témoignage de la transmission et de

l’usage des textes destinés à la prédication, en France, à la charnière des

XIII

e

et XIV

e

 siècles.

Son décor est similaire à celui en usage à Paris dès le XII

e

 siècle, que

caractérise l’alternance des couleurs bleu et rouge des initiales et de

leurs filigranes associés, et qui essaimera en Europe au cours du XIII

e

.

Le décor de l’initiale principale (fol. 11 r) est typique de la seconde

moitié du XIII

e

 siècle, comportant notamment des vrilles et des motifs

en «œufs de grenouille ». La copie a très probablement été réalisée à la

toute fin du XIII

e

 siècle, ou début du XIVe, conservant ce style déco-

ratif.

Le recueil se compose de trois sections : la première se présente comme

une table du matériel de prédication : elle signale les sermons qui sont

contenus dans la 3

e

section, dans l’ordre de leur apparition ; chacun est

désigné par son

thema

(citation biblique), suivi pour la plupart de cita-

tions partielles, et de la mention de l’usage pour lequel il peut être em-

ployé. Le plan de certains sermons est mentionné. Cette partie couvre

les ff. 1r-9v, copiés sur une colonne de 25 lignes de 140×112 mm,

marges et lignes réglées à la mine de plomb ; encre noire, titres, ru-

briques à l’encre rouge, capitales à l’encre rouge et bleue. Les citations

bibliques sont soulignées de la même encre rouge.

La seconde section constitue un index des sermons, dans l’ordre de

leur

thema

. Elle occupe les ff. 10r-10v, est copiée sur une seule colonne

de 145×130 mm, sur 23 lignes. Les indications des fêtes liturgiques y

sont portées à l’encre rouge, les titres ou incipit des sermons à l’encre

noire soulignée de rouge, certaines initiales rehaussées de bleu et de

rouge.

La troisième section, et la principale, renferme 51 sermons. Ceux-ci ne

sont pas intégralement recopiés, comme c’était l’usage courant, mais

présentés d’une manière synthétique, rattachés à un thème de prédi-

cation, et accompagnés d’indications propre à aider à la construction

du sermon. C’est ce qui confère à ce manuscrit une place intéressante

dans le corpus des recueils connus de l’époque, mais cette forme par-

ticulière des sermons limite les possibilités d’identifier des œuvres de

prédicateurs citées. Toutefois, trois auteurs se distinguent, tous liés au

milieu universitaire parisien de la fin du XIII

e

 siècle :

– Guillaume de Lexi : dominicain dont la présence à Paris est attestée

de 1267 à 1278, maître régent au convent de Saint-Jacques à Paris vers

1273-74, contemporain et sans doute proche de saint Thomas. On

connaît une quarantaine de sermons de lui, dont deux figurent dans ce

manuscrit : « laÉtatus sum in his  ». (Ps. 121, 1) (f. 95) et : «Hoc sentite

in vobis » (Phil. 2, 5) (f. 130).

– Gérard de Reims (dit Bruine), prédicateur, chantre et chanoine de la

cathédrale, présent à Paris de 1272 à 1302. On a de lui une soixantaine

de sermons, le

thema

de celui figurant ici est : «Quicumque manduca-

verit panem…» (1. Cor 11, 27) (f. 109).

– Jean de Anelto, probablement chanoine de Saint-Victor, dont on

connaît 115 sermons. Celui figurant dans ce manuscrit est : « altitudi-

nem caeli et latitudinem terrae » (Eccli. 1, 2) (f. 176)

Cette section couvre les ff. 11r-188v ; elle est copiée sur deux colonnes

de 29 à 33 lignes, sur une surface moyenne de 160×65 mm réglée à

la mine de plomb ; la couleur de l’encre employée est tantôt brune,

tantôt noire. Le texte est suivi malgré les changements d’encre et les

légères variations de l’écriture. Les lettres initiales des principaux cha-

pitres ont été copiées à l’encre bleue ou rouge et rehaussées d’orne-

ments (de la couleur opposée) qui se prolongent dans les marges. Les

majuscules des sections internes sont alternativement à l’encre rouge et

bleue, les initiales des versets sont rehaussées à l’encre rouge. Une belle

initiale filigranée, à l’encre rouge et bleue, inaugure la section au f.

11r, et se prolonge tout au long de la marge interne. D’autres initiales

MANUSCRITS DES XIV

e

AU XX

e

 SIÈCLE

S,

DESSINS ORIGINAUX PAR ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY

& PHOTOGRAPHIES

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