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les collections aristophil
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PROUST MARCEL 1871 1922
JEAN SANTEUIL.
Manuscrit autographe, fin 1901 – début 1902. 2 pages in-4.
15 000 / 20 000 €
Manuscrit à l’encre violette comportant en tête du texte un passage
inédit, séparé d’un trait de plume du portrait de Madame de Réveillon,
qui n’est pas sans évoquer la chambre de Combray de laquelle
le narrateur de « À la Recherche du temps perdu » entendra les
discussions dans le jardin : « Les fenêtres de la chambre élevées que
nous habitions en Provence à souvent senti, connu le soir le doux
appui de notre coude quand il faisait encore clair et les lits profonds
dans l’obscurité ont senti rouler bien des rêves »
Tel Monsieur Verdurin, antipathique personnage de « La Recherche
» se révélant très aable, ou Saint-Loup homme à femmes devenu
homosexuel, ce portrait insiste sur les renversements qui s’opèrent
sur plusieurs personnages. Madame de Réveillon, apparemment
désagréable, se montre de compagnie charmante pour d’autres :
… « De sorte que tandis que presque toutes les personnes qui voyaient
Madame de Réveillon dans le monde déclaraient avoir en son
endroit une irrémédiable antipathie, que toutes les personnes simples
souraient de sa prétention, toutes les personnes honnêtes de son
ton, toutes les personnes bonnes de son impertinence, toutes les
personnes élégantes de son genre impossible, en revanche certains
hommes avaient eu au premier abord la même impression et avaient
juré qu’ils n’iraient jamais chez elle, et aussi certaines femmes qui
savaient allier à l’amabilité et au bon genre, l’amour de jouer à quatre
mains du Bach et d’aller à Bayreuth, se plaisaient beaucoup dans
son intimité » …
Le personnage de Madame de Réveillon, qui deviendra Madame
Verdurin dans « La Recherche » est inspiré par Madeleine Lemaire.
Le nom que Proust donne à son personnage lui vient de celui de sa
propriété, le château de Réveillon où l’été elle invite ses fidèles. Dans
son salon parisien qu’il fréquente à partir de 1893, Proust rencontre
Robert de Montesquiou et Reynaldo Hahn. En 1896 paraissent « Les
Plaisirs et les jours », illustrés par Madeleine Lemaire.
Redécouverts par André Maurois, les passages épars du roman de
jeunesse de Proust seront publiés en 1952 par Bernard de Fallois qui
lui donna pour titre celui du protagoniste « Jean Santeuil ».
Simonson fit connaître ces pages à Philip Kolb qui les publia en 1968
dans les « Textes Retrouvés » p.30-32. En 1971 l’extrait est repris dans
« la Pléiade » par Pierre Clarac p.743-744.
(Usures aux plats sans incident sur le texte).
Un des très rares fragments que Proust ajouta à Jean Santeuil après
l’avoir abandonné en 1899.