193. MARIE-THERESE, princesse de France,
Madame
Royale (1778-1851). Récit manuscrit écrit de la main de la
princesse de sa sortie de la prison du Temple et de son voyage
de Paris Huningue (canton de Bâle, en Suisse) afin d’être
échangée contre des prisonniers français, lui permettant ainsi
de rejoindre la cour de Vienne, 2 pages 1/2, in-folio. Traces
d’humidité et pliures.
3 000/3 500 €
« Je suis sortie du temple le 19 décembre à 11 heures et demi du soir sans être
aperçue de personne à la porte de la rue j’ai trouvé Mr … La rue du temple était
déserte il n’y avait pas homme attaché à Mr. … il m’a donné le bras et nous avons
été à pied jusqu’à la rue Mélée là nous avons rencontré sa voiture où je suis monté
avec lui et Mr Gomin nous avons fait plusieurs tours dans les rues et enfin nous
sommes arrivés sur les boulevards devant l’opéra ou nous trouvâmes la voiture
de poste avec Mme … et Mr Méchin officier de gendarmerie j’y suis monté avec
Mr Gomin, Mr Benezech
,
nous a laissés aux portes de Paris on nous a demandé
notre passeport à Charenton la première porte, on n’a pas voulu d’assignats des
postillons on voulut absolument être payé en argent il n’est rien arrivé le reste de
la nuit à 9 heures du matin nous sommes descendus à Gaignes pour déjeuner.
On ne m’a pas reconnu et nous sommes repartis à 10 heures. Nous eûmes des
chevaux assez facilement sur les deux. j’ai été reconnu à la poste de Provins il y
a eu du monde qui s’est assemblé près de la voiture nous sommes partis mais un
officier de dragons nous a suivis à cheval à Nogent sur Seine la porte d’après. J’ai
été reconnue par la femme d’auberge où nous étions descendus, elle me traita avec
beaucoup de respect. La cour et la rue se remplirent de monde nous remontâmes
en voiture, on s’attendrit en me voyant et on me donna mille bénédictions nous
allâmes de là à grai où la maitresse nous dit que le courrier de l’ambassadeur de
…Mr Carletti lui avait dit que je devais passer par là et que j’avais deux voitures
nous arrivâmes a grai à onze heures nous y soupâmes et nous y couchâmes nous
en partîmes le lendemain 20 décembre à 6 heures du matin à la poste d’après
Troyes nous eûmes de la difficulté à avoir des chevaux à cause de Mr Carletti qui
les avait tous pris toute la …Mr Carletti nous devançait et avait tous les chevaux
enfin le soir nous arrivâmes à … à 8 heures du soir ou il était. Mr Méchin alla
trouver la municipalité et à montrer l’ordre du gouvernement qui l’autorisait à
prendre des chevaux nous soupâmes et nous partîmes à 11 heures du soir. Nous
eûmes assez facilement des chevaux durant la nuit. A 9 heures du matin le 21
nous arrivâmes a Chaumont où nous descendîmes pour déjeuner on me reconnut
et la chambre fut bientôt environnée d’une grande quantité de monde qui voulais
me voir ; mais avec bonne intention. Mr Méchin fit venir la gendarmerie qui n’y
fit rien la municipalité étant venue assurer que nous pouvions partie et calma le
tumulte. Cependant jusqu’à la voiture je fus entourée d’une grande quantité de
monde qui me donna mille bénédictions nous repartîmes nous arrivâmes a onze
heures du soir à … souvent retardés par le manque de chevaux et les mauvais
chemins, nous n’en trouvâmes point à cette porte et nous fumes obligés d’y rester
jusqu’à 6 heures du matin. Nous en partîmes et arrivâmes le soir à Vesoul à 8
heures du soir. N’ayant pu faire que 10 heures dans la journée faute de chevaux
de là nous allâmes à Montchamp à 4 heures du soir où nous ne trouvâmes point
de chevaux nous fumes arrêtés deux heures. … porte d’après pas plus de chevaux
enfin il en vint au bout de deux heures. Nous arrivâmes le soir à 11 heures à
Belfort nous en repartîmes le lendemain 24 décembre à 6 heures du matin nous
éprouvâmes encore beaucoup de difficultés dans le chemin enfin nous arrivâmes à
… à la nuit tombante le 24 décembre. Ce voyage malgré mon chagrin m’a paru
agréable par la présence d’un être sensible dont la bonté … longtemps m’était
connu mais qui en a fait la dernière preuve en ce voyage par la manière dont il
s’est comporté à mon égard par sa manière active de me servir quoiqu’assurément
il ne dû pas être accoutumé. On ne peut l’attribuer qu’a son zèle il y a longtemps
que je le connais cette dernière preuve ne m’était pas nécessaire pour qu’il eut toute
mon estime mais il l’a encore davantage depuis ces derniers moments je ne peux
dire davantage mon cœur sent fortement tout ce qu’il doit sentir ; mais je n’ai
pas de parole pour l’exprimer. Je finis cependant par le conjurer de ne pas trop
s’affliger d’avoir du courage je ne lui demande point de penser à moi je suis sûr
qu’il le fera et je lui réponds d’en faire autant de mon côté ».
Provenance
: cette pièce fut remise par la princesse à Jean-Baptiste Gomin
(1757-1841) qui la porta religieusement sur lui toute sa vie dans un sachet
et qui fut remis à son décès par sa veuve le 2 juin 1841, au Vicomte Alcide
de Beauchesne. Comme le précise la lettre qui accompagne ce document :
«
Sachant combien M. Gomin avait d’affection pour vous, je suis sûre de rendre
hommage à sa mémoire et de remplir en quelques sorte ses intentions en vous
léguant en son nom les papiers ci-joints auxquels il attachait un prix si grand
et si légitime : - 1°) un écrit de Madame Royale indiquant les postes de Paris à
Huningue ;
2°) la relation du voyage faite par S.A.R. et écrite également
de sa main.
3°) Deux pièces de vers composées par Madame dans la Tour du
Temple et écrites de la main de S.A.R. 4°) un mot d’audience pour M. Gomin de
la main de Madame. 5°) Des cheveux du Roi, de la Reine, de Madame Royale, et
de Louis XVII. Veuillez recevoir, Monsieur, et conserver ce legs comme le souvenir
et conserver ce legs comme un souvenir de mon excellent mari, et comme un
témoignage de la haute estime avec laquelle j’ai l’honneur d’être, votre très humble
et servante très affectionnée, Pontoise, le 2 juin 1841 ».
Au dos, le Vicomte
a noté des informations biographiques sur M. Gomin. Puis collection du
Vicomte Alcide-Hyacinthe du Bois de Beauchesne (1804-1873).
Présentation
: lors de l’exposition Louis XVII organisée par le Musée
Lambinet à l’Hôtel de Ville de Versailles de mai à juillet 1989.
R
écit de
M
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R
oyale
sur
son voyage de
P
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B
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