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17. APOLLINAIRE (Guillaume). Lettre autographe signée
Gui
à Louise de Coligny-Châtillon (Lou),
datée
Nîmes 27 janvier 1915
, 2 pages sur un feuillet grand in-4, écrites à l’encre brune recto-verso,
sous chemise demi-maroquin noir moderne.
20 000 / 30 000
€
S
UPERBE LETTRE ÉROTIQUE À
L
OU
.
Brève et violente flambée charnelle, la liaison d'Apollinaire et de Louise de Coligny-Châtillon ne durera que
quatre mois (décembre 1914-mars 1915), ce qui n'empêche qu'ils continueront de s'écrire jusqu'en janvier
1916. Cette lettre se situe peu après le point culminant de leurs relations : une permission d'Apollinaire pour
le jour de l'an 1915, à Nice, où Lou l'avait rejoint. Retombé dans l'ennui de sa caserne nîmoise, le poète écrit
tous les jours à sa maîtresse, restée à Nice et qu'il voudrait tant revoir.
Pas de lettre de Lou ! Mais il vient de recevoir une lettre extraordinaire de Marie Laurencin, qu'il lui envoie,
carte embarrassée, singulière et où elle mêle la guerre, ma revue les Soirées de Paris, une demande de
nouvelles corrigée par après la guerre. Au lieu de signer Baronne de Waetjen qu'elle est maintenant
[mariée à
un Allemand, M. Laurencin s'était réfugiée à Madrid],
elle a mis Marie Laurencin. Que faut-il faire ? En
réalité, je n’en sais rien. J’ai envie simplement de la remercier brièvement et poliment pour sa carte. Nous
sommes dans une période de froid.
Suit une rêverie érotique teintée de sado-masochisme :
Je pense à toi mon aurore boréale dans ce froid polaire.
Je t'adore et pense à nos bonnes nuits en liberté… Il me tarde mon Lou chéri que je t'aie en liberté pour mieux
te mater. Tu es follement indépendante. Il faut que je te fasse plier que tu le veuilles ou non. Je pense parfois
comme toi-même que tu es ce fameux petit garçon qu'il faut châtier dans cette admirable position où tu lèves
ta croupe comme une jument qui pétarade…
Après lui avoir demandé sa photo pour leur ami André Rouveyre, il reprend sa rêverie érotique, où son sadisme
se fait jour encore plus fortement :
Qu'il me tarde d'être avec toi à Paris pour que nous organisions ces
merveilleuses soirées dont nous avons parlé. Je sais où je t'attacherai mon esclave adorée et nous aurons aussi
un noble chevalet où t'étendre victime royale. Je te fouetterai avec le calme qu'il faut, avec tout le confortable
que mérite une aussi belle captive. En ce moment c'est à ta taille divinement souple que je pense… et par
surcroît ma pensée s'arrête sur ta croupe que je n'ai pu marquer dimanche. Elle se balance orgueilleuse
comme un ballon captif que fouetterait le soleil de ses rayons impitoyables… Les oranges me font penser à tes
seins infiniment exquis. J'ai chanté à Tarascon tes mains si maladroites qu'elles sont pures, car elles ne
connaissent point l'attouchement et ne s'y livrent point avec bonne volonté. O Lou, la plus pudique des
impudiques !
Il demande des nouvelles de Toutou [autre amant de Lou] :
En ce moment tu dois bien t'amuser…A Nice aussi,
ô allumeuse, la plus terrible des allumeuses, ô pétroleuse.
Revenant à lui-même, il parle alors de ce qui
deviendra
Ombre de mon Amour
: …
Je crois que je vais t'aimer d'une façon nouvelle et que je vais
t'envelopper plus fortement d'amour et de puissance par la volonté. J'ai idée d'un livre dont je vais t'envoyer
les feuillets au fur et à mesure qu'ils seront écrits.
Il signe
Ton Gui qui t'adore et te prend tout entière et te plie
à volonté.
Lettres à Lou
(éd. M. Décaudin), lettre n° 59.
Cette lettre à la fois très exaltée et très audacieuse, évoque parfaitement les amours d'Apollinaire et de Lou.
Infimes déchirures sans manque aux pliures.