110
«S
OIS MAUDITE
,
PENSÉE
»
104. GOURMONT
(Remy de).
Les Chevaux de Diomède.
Manuscrit autographe et édition originale.
2 volumes reliés en maroquin, dos à nerfs, décor uniforme : encadrement de double let doré de
type carré-losange ornant les entrenerfs et les plats, coupes letées, tranches dorées sur témoins.
18 000 / 20 000
–
L
ES
C
HEVAUX DE
D
IOMÈDE
.
Paris, Société du
Mercure de France
, 1897. In-12, (4 dont les 2 premières blanches)-
254-(2 dont la dernière blanche) pp., maroquin grenat, encadrement intérieur de maroquin grenat leté,
doublures et gardes de moire rouge, tranches dorées sur témoins, couvertures et dos conservés, premier
feuillet blanc un peu frotté (
Semet & Plumelle
).
É
DITION ORIGINALE
,
UN DES
3
EXEMPLAIRES DE
TÊTE
SUR
JAPON
IMPÉRIAL
(
LE N
°
1).
Il ne fut tiré que 18 exemplaires
sur grand papier.
–
«L
ES
C
HEVAUX
DE
D
IOMÈDE
».
266 ff. in-8 à l’encre violette, manuscrit apprêté pour l’édition, relié en un
volume de maroquin feuille morte, doublure de box brun en bord à bord, gardes de box brun, tranches
dorées sur témoins, chemise à dos et rabats de maroquin feuille morte, étui bordé (
P. L. Martin
).
M
ANUSCRIT AUTOGRAPHE AVEC NOMBREUSES RATURES
ET CORRECTIONS
.
U
N
ROMAN
SENSUEL
PAR
LEQUEL
L
’
AUTEUR
PRIT
SES
DISTANCES
AVEC
L
’
IDÉALISME
ESTHÉTIQUE
DU
SYMBOLISME
,
cette
«odeur idéale des roses qu’on ne cueillera jamais » : «Au milieu de son chagrin, Diomède pensa : “ [...] Sois
maudite, Pensée, créatrice de tout, mais créatrice meurtrière, mère maladroite qui n’as jamais mis au monde
que des êtres dont les épaules sont l’escabeau du hasard, et les yeux, la risée de la vie.”»
«
Elle le serra plus étroitement. Leurs jambes se touchaient, et leurs reins et leurs poitrines. Diomède cessa de penser.
Le contact éveillait sa chair ; il ne fut plus maître de ses gestes ; la robe évreusement ouverte laissa passer les doigts,
puis toute la paume ; glissée jusqu’à l’aisselle, ardente et impérieuse, la main s’imposa, irrévocable, comme un sceau,
comme un signe aussitôt rami é sur tout le corps nu et tremblant de la femme vaincue. Elle releva la tête et offrit ses
lèvres. Pendant le baiser ses jambes s’allongeaient lentement, comme les membres d’un animal qui s’éveille, s’étire,
et jouit de revivre. Quand elle ouvrit les yeux, elle s’était donnée toute en désir et en volonté...
Cependant Néobelle ré échissait. Elle dit :
– Diomède, j’irai chez vous ce soir. Je sais ce que je veux, et je sais ce qui m’attend. J’irai...
XV.
[«
Les dentelles
», titre corrigé successivement en «
Un soir
», «
Le soir
», puis]
Le Songe...
Ils s’en allèrent à pied, par les larges avenues désertes :
– Je suis contente de moi, dit Néobelle. J’agis en femme libre. Je ne sais pas encore si je vous aime, Dio, mais je vous ai
de la reconnaissance d’avoir secondé ma volonté... Mes amies, toutes ces pâles jeunes lles au cœur docile et à la chair
triste, songez qu’elles attendent un mari avec la docilité des bronzes et des étains rangés dans une vitrine ! Ah ! Ah !
Ivre d’avoir brisé la Règle, elle parlait sur un ton exalté :
– Il s’agit de moi, de mes joies, de ma vie, de mon corps et de mon âme ; je veux suivre mon désir et non l’ordre établi
par les égoïsmes. Il faut que j’apprenne à connaître le jeu de toutes mes facultés et de tous mes organes. Ainsi je saurai
quelle est ma vocation et pour quels actes je fus créée et mise au monde.
Diomède était demeuré grave. Il se sentait devenu le maître des initiations. Son ironie l’abandonnait. Il éprouvait des
sentiments religieux...
» (pp. 172-178 du volume imprimé, et ff. 186, 187, 191, 192 du manuscrit).
Provenance : Charles Hayoit (cuirs ex-libris, n° 474 et 475 du catalogue de la troisième vente de sa bibliothèque,
29 novembre 2001).