170
289.
Julie de LESPINASSE
(1732-1776) femme de cœur et d’esprit, épistolière, qui réunissait dans son salon philosophes
et encyclopédistes.
Lettre autographe, 23 août [1772], au marquis de C
ONDORCET
à Ribemont en Picardie ; 3 pages petit in-4, adresse
(petite déchirure par bris de cachet avec perte d’un mot).
2 000/2 500
B
ELLE
LETTRE
À
C
ONDORCET
,
TRÈS MÉLANCOLIQUE
APRÈS
LE
DÉPART
DU MARQUIS
DE
M
ORA
,
AVEC
DES
NOUVELLES
DE
LA
VIE
LITTÉRAIRE
ET
PHILOSOPHIQUE
DE
SES
AMIS
H
ELVÉTIUS
ET
D
’A
LEMBERT
.
« Continüés, conservés cette bonne disposition et cette excelente intention ; si vous pouvés ratraper du repos et du calme, croyés
tenir le bonheur ; […] jouissez bon Condorcet d’un avantage inapreciable, celui d’avoir un grand talent qui doit occuper votre
vie, l’amitié remplira votre ame qui est aussi sensible qu’elle est honête ; et fuyés tout ce qui pouroit faire naitre ou rechaufer un
sentiment qui fait presque toujours des victimes des gens vraiment vertueux. Ma santé est toujours detestable, et je n’espere plus
qu’elle puisse devenir meilleure, aussi je vais la mettre au nombre des malheurs que je sens toujours, et dont je ne parle jamais ;
je suis touchée, sensiblement touchée des marques de votre interet, il aidera a me consoler et a soutenir mon courage, car je vous
avoue qu’il en faut beaucoup pour vivre, il en faudroit davantage encore pour mourir. On a des liens malheureux, mais ils sont
chers et ils font qu’on se devoüe a la souffrance, mais enfin tout a son terme, cette idée est consolante, et peut etre en suis-je plus
près que je n’ose m’en flatter ».
Elle parle de la santé de M. d’U
SSÉ
, proche de sa fin. « Je voudrois bien que vous pussiés lire le poeme du
Bonheur
de M.
H
ELVETIUS
, ou plus tot la preface de léditeur, c’est un excelent ouvrage, d’un gout exquis, d’une hardiesse adroite et piquante et
d’une sensibilité charmante, vingt fois j’ai eu les yeux remplis de larmes. Le poème est informe, c’est un ouvrage d’esprit, mais
c’est un defi, ce n’est pas mire des vers, c’est labourer »... Puis elle parle de
D
’A
LEMBERT
qui lit « aujourdhui a l’Academie une
maniere de preface a lhistoire de l’Academie, cela ma paru fort bon » ; S
AURIN
lira une épitre, et W
ATELET
sa traduction du Tasse.
Elle n’ira pas à cette séance : « je ne me sens nul gout pour rien de [ce] qui ne doit plaire qu’à l’esprit. M. de M
ORA
est parti, cela
me fait un grand vide »... Elle ajoute que T
URGOT
« est dans une grande privation depuis votre depart. Il est audessus de mes forces
de mocuper de ce qui ne me fait rien du tout ».
Ancienne collection Jean P
ROUVOST
(24-25 juin 1963, n° 150).
Reproduction page 169
290.
Julie de LESPINASSE
(1732-1776) femme de cœur et d’esprit, épistolière, qui réunissait dans son salon philosophes
et encyclopédistes.
Lettre autographe, mercredi [vers 1772 ?], à Jean-Baptiste S
UARD
; 1 page petit in-4, adresse avec sceau de cire rouge
aux armes (brisé).
1 200/1 500
B
ELLE
LETTRE
SUR
SA
PASSION
POUR
LE MARQUIS
DE
M
ORA
.
« Je viens de lire quatre pages de M. de M
ORA
j’en suis penetrée de douleur et de tendresse. Non mon ame ne sauroit suffire a
l’aimer autant qu’il en est digne. Jamais jamais il n’y a eu une creature plus sensible plus digne detre aimée. Mais ce qui est affreux
c’est quil est bien plus malheureux que moi. J’avois deviné le motif de son silence. Mon dieu je le savois bien, il ne pouvoit pas
avoir tort. Je vous verrai a diner, mais je suis comblée de vous dire d’avance que mon ame joüit de maniere a ne pas me faire regreter
d’avoir été trois mois en enfer ».
Charavay
.
Reproduction page 169
291.
Louise-Florence T
ARDIEU D
’E
SCLAVELLES
, marquise d’ÉPINAY
(1726-1783) femme de lettres, amie des philosophes
et protectrice de Jean-Jacques Rousseau.
Lettre autographe, 16 février 1773, à
SON MARI
LE MARQUIS
D
’É
PINAY
; 1 page petit in-4.
500/600
« Je viens de recevoir une lettre de mon fils qui me pétrifie par sa hardiesse, son assurance et sa légereté. Il tire sur vous une
lettre de change de 17 cent et quelques livres. Il est nécessaire de bien peser les termes de votre refus pour ne pas éffaroucher les
créanciers de peur qu’on ne l’arrête et que notre plan ne puisse s’exécuter ». Elle lui propose de venir chez elle en discuter demain.
Elle joint à cette lettre le décompte demandé, et parle de quelques opérations financières avec T
RONCHIN
: ils sont presque quitte.
[Les époux vivaient sous une séparation de biens, prononcée en 1748, qui assurait une position financière relativement confortable
à la marquise.]
Librairie Marc Loliée, 1957
.
292.
Julie de LESPINASSE
(1732-1776) femme de cœur et d’esprit, épistolière, qui réunissait dans son salon philosophes
et encyclopédistes.
Lettre autographe, « ce jeudi au soir » [août 1774], à B
ERNARDIN DE
S
AINT
-P
IERRE
; 2 pages in-4, adresse à « Monsieur le
chevalier de S
t
-Pierre, rue de la Madeleine » (feuillet d’adresse réparé).
1 200/1 500
B
ELLE
LETTRE
À
B
ERNARDIN
DE
S
AINT
-P
IERRE
, qui avait demandé la protection de Mlle de Lespinasse et de Condorcet pour obtenir
de Turgot un emploi, ou une mission en Inde.
« J’ai lu, j’ai relu votre lettre, Monsieur, elle ma penetrée de sensibilité et du plus vif regret de n’avoir aucun moyen pour soulager
le malheur de ce qui vous est cher. Monsieur de Vaines [Jean D
EVAINES
] qui est plein d’ame, et d’honeteté s’est affligé de ce que
dans le departement de Mr T
URGOT
il n’y avoit point d’emploi qui pu convenir a vous, ni a Mr votre frere. D’ailleurs il ma dit,
que lorsqu’on veut obtenir quelque chose il faut dire positivement ce que l’on desire, et articuler les motifs qu’on a d’esperer la
preference : votre lettre est trop vague [...] Si vous vouliés faire un petit memoire bien court et bien clair de la grace, ou de la