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192. MISTRAL (Frédéric). Lettre autographe signée à un confrère, Julien Tiersot, de

Maillane

,

7 décembre 1898

,

3 pages sur un bifeuillet in-8 (178 x 114 mm) à l’encre noire sur papier au filigrane Original Castle Mill,

enveloppe timbrée jointe, sous chemise demi-maroquin noir moderne.

1 000 / 1 500 €

A

u SuJET DE L

AIR ET DE L

ORIGINE DE SA CHANSON

M

AGALI

EXTRAITE Du POèME DE

M

IREILLE

.

A l’époque et au moment où je songeais à rimer une chanson d’allure populaire sur le thème provençal et rudimentaire de

Magali, j’entendis un des laboureurs de mon père chanter une chanson provençale sur l’air en question, que je ne

connaissais pas encore et qui me paru fot joli

[…]

Cette chanson

[…]

qui fait allusion à un combat de Gibraltar, me paraît

par sa facture contemporaine du 1

er

Empire et par son dialecte des bords du Rhône, entre Arles et Avignon. Chanson et

air, je ne les ai entendus que dans la bouche de ce laboureur

[…]

et je suis convaincu que c’était le dernier détenteur du

chant en question qui avait pour sujet l’arrivée du rossignol. Ce fut donc par un coup de cette providence qui protège les

poètes (Deus, ecce Deus) que l’air et le rythme de Magali me furent révélés au moment psychologique.

Il cite à la suite les

8 premiers vers de

Magali

, puis s’étend sur divers chants populaires provençaux.

Au verso de l’enveloppe, Mistral a écrit : «

C’est vers 1855 que j’entendis pour la 1ère fois la chanson dont je vous parle

– et le chanteur avait de 40 à 45 ans

».

Julien Tiersot a été conservateur de la bibliothèque du Conservatoire et musicologue, auteur d’un ouvrage sur la chanson

populaire en France.

193. MISTRAL (Frédéric). Lettre autographe signée à Alphonse Daudet, datée

Maillane, 28 Nov. 1877

, 3 pages et

demie sur 2 feuillets in-8 (210 x 133 mm), écrites à l’encre brune, sous chemise demi-maroquin noir moderne.

1 000 / 1 500 €

T

RèS BELLE LETTRE

,

PRESquE ENTIèREMENT CONSACRÉE Au ROMAN DE

D

AuDET

:

L

E

N

ABAB

(Charpentier, 1877),

MAIS

ÉGALEMENT À

Z

OLA

.

Mistral vient de lire le roman de son ami Daudet, et sa lettre montre qu’il connaissait parfaitement les « clefs » très

parisiennes du livre. Le roman fut en effet inspiré par François Bravay (1817-1874), homme d’affaires en Egypte et député

du Gard. (Sur cet « irrégulier de la banque et de la politique », voir Auriant,

François Bravay ou le « Nabab »

, Mercure

de France, 1943).

Je ne sais quel sera le sentiment des lecteurs du Nabab qui n’ont pas connu B

[ravay],

mais pour moi qui ai vu de près ce

météore financier et dépensier, la lecture de ton nouveau chef-d’œuvre a été délicieuse. Tu as raconté l’histoire de ce

pauvre et bon parvenu avec un accent et une vérité de relief extraordinaires

. […]

Si le brave colosse — que nous avons

connu et plaint, pendant qu’il parcourait son épopée burlesque — pouvait lire ton roman, il pleurerait à chaudes larmes

et dirait : aco is bèn veu !

Il poursuit longuement son analyse, parle de Morny (Morna dans le roman) dont Daudet fut le secrétaire en 1860, et ne

trouve à reprocher au livre que son

excès de richesse, une prodigalité de détails dans certaines descriptions

. Mais c’est à

tort que ses amis craignent que, par admiration, il ne tombe dans le

zolisme

:

Tu es toi, comme partout, tu es bien et toujours

toi.

Et si son ami admire Zola, c’est simplement par

affinité de tempérament méridional, très-sincère et très-franc.

quant

à lui, il vient de terminer son

étude de mœurs réalistes, je veux dire mon dictionnaire épique

[

Le Trésor du Félibrige

, qui

sera publié en 1878]. Il lui en enverra le prospectus et le spécimen :

Tu pourras t’expliquer

[...]

le charme artistique qui a

pu me soutenir pendant tant d’années. Mon dictionnaire

[...]

n’est pas autre chose que l’immense photographie des mœurs

et du génie d’un peuple

[...]. Il termine par ses hommages à sa femme et à

monsieur Léon

[Léon Daudet, futur écrivain].

C

ETTE LETTRE SEMBLE INÉDITE

. Seul, un extrait en a été cité par Auriant dans

Le Double Visage d’Alphonse Daudet

(A l’Ecart, 1980, p. 60).

I

NTÉRESSANTE LETTRE

de critique littéraire écrite sur le vif. Elle témoigne de l’amitié unissant ces deux Méridionaux depuis

de nombreuses années, dont l’un, installé dans la capitale, venait de publier un roman très parisien, tandis que l’autre, à

Maillane, se consacrait au Félibrige.

Traces de pliures, infime restauration de scotch aux pliures.

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