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Des sonnets par trop luxurieux ?

La lettre est volontairement évasive. Pour Massimo Danzi, elle témoigne “d’une pratique épistolaire qui, dans

la société de cour, favorisait les compliments galants et frôlait parfois le vide communicatif”, s’inscrivant

“dans une culture bâtie autour de cette “civil conversazione”, telle qu’elle se déploie, du

Libro del Cortegiano

de

Castiglione (1528) jusqu’au fameux traité de Stefano Guazzo (1574).”

Ce quasi “vide communicatif” pourrait cependant avoir une autre signification car, comme le souligne

M. Danzi, “la correspondance entre Gambara et l’Arétin atteste un échange continu de textes littéraires.” Or,

on sait que le Prince des poètes envoyait volontiers ses

Sonnetti lussuriosi

à ses connaissances féminines : la pieuse

Veronica Gambara fut-elle affectée par les poèmes de son correspondant ? Elle justifie son silence par ces mots :

non è però stato causato da poco amore, ma sol’ p

[er]

esser il suggetto di quella idioso da parlarne

” (la raison de mon

silence n’est pas due au peu d’amour que je vous porte, mais seulement au sujet, très délicat, de votre lettre).

Quel autre sujet délicat justifierait pareille réserve ?

L’Arétin qualifiera bientôt la poétesse de “sprirituale Veronica Gambara” en raison de son inclination de plus en

plus marquée pour les questions religieuses.

On connaît onze lettre adressées par elle à l’Arétin, d’août 1533 à décembre 1537, et sept de l’écrivain à la

poétesse. La présente lettre a été éditée pour la première fois en 1759 par Felice Rizzardi (in

Rime e lettere di

Veronica Gambara,

n° CX).

Superbe pièce autographe, parfaitement conservée.

(Massimo Danzi in

La Renaissance italienne. Peintres et poètes dans les collections genevoises

, Genève, Skira, 2006,

pp. 177-179. L’historien propose la traduction suivante : “Si je ne savais pas que votre courtoisie, très valeureux et

honoré sieur Pierre, est très grande, je n’aurais pas écrit cette lettre, étant donné que je n’ai pas écrit depuis tant

de temps et que je n’ai pas, jusqu’ici, donné de réponse à la vôtre. La raison de mon silence n’est pas due au peu

d’amour que je vous porte, mais seulement au sujet, très délicat, de votre lettre. Votre Seigneurerie est très sage,

mais, sur le sujet de la lettre, je ne m’étendrai pas davantage. Il me faut seulement rappeler à votre Seigneurerie

que je lui suis dévouée, et très désireuse de lui rendre service, dans la mesure où elle est supérieure à tous les autres

hommes. Je vous prie de garder de moi un bon souvenir et, autant qu’il soit en mon pouvoir, je me recommande

à vous. De Corrège, le 24 août 1533. A vos divines vertus, très dévouée, Veronica Gambara, C.D.C.”)

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