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Je ne veux me prostituer à personne

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BAUDELAIRE (Charles).

Lettre adressée à sa mère.

Sans lieu

[Paris],

samedi 24 mai

[1862]

.

Lettre autographe signée “Charles”, 2 pages in-8 ; adresse et marques postales.

Rageuse lettre de Baudelaire à sa mère.

Tu as deviné juste. Les affaires marchent très lentement, et je veux absolument me retremper dans la solitude. Je fuis

Paris, surtout pour fuir toute compagnie. Donc je ne veux pas retrouver à Honfleur le supplice parisien, et je ne veux

me prostituer à personne, ni au maire, ni au curé, ni à M. Emon, ni à d’autres dont j’ai oublié les noms.

Il s’est rendu à Fontainebleau pour la succession de son demi-frère Claude-Alphonse Baudelaire, mort le 14 avril

1862. Cela lui a été “

très pénible

”.

Une journée entière avec Ancelle ! Te figures-tu ce que c’est ? un homme à la fois fou et bête !

Et puis, le fantôme du conseil judiciaire s’est dressé trois fois dans la journée, en présence d’un greffier, d’un notaire,

d’un avoué, et de je ne sais plus qui. Ancelle jouissait sans doute de mon humiliation ; il m’avait traîné là bas sans

m’avertir. Je n’ai jamais été méchant, mais je crois qu’il m’est permis de le devenir.

À demain. Je t'embrasse et je t'aime

.”

Il lui annonce en post-scriptum qu’il a “

le Chateaubriand

” – les

Mémoires d’outre-tombe

que sa mère souhaitait

obtenir. Mais il avoue ne pas avoir envie d’aller chercher les volumes des

Misérables

qui venaient de paraître.

Je crains fort de n’avoir pas le courage de les demander. La famille Hugo et les disciples me font horreur.

Provenance :

Armand Godoy

(1982, n° 160).

(Baudelaire,

Correspondance

II, Bibliothèque de la Pléiade, pp. 246-247.)

4 000 / 6 000