C’est au lendemain de la publication de
Nadja
qu’André Breton céda le manuscrit de son livre à
l’éditeur, mécène et collectionneur suisse Henri-Louis Mermod (1891-1962), l’ami de Ramuz et de
Gustave Roud, qui venait de fonder sa propre maison d’édition (1926). En tête du premier feuillet
de texte, il porte cet envoi autographe signé :
A Monsieur H.L. Mermod
très sincère hommage
André Breton
En outre, le dédicataire a placé au début du volume la lettre autographe que lui adressa André Breton
avec le manuscrit (16 décembre 1928 : 1 page et 2 lignes in-4, en-tête de la
Révolution surréaliste
) :
Monsieur,
Je vous remercie encore de l'intérêt que vous voulez bien me témoigner. Je suis profondément honoré de
l'accueil que vous avez fait à mon livre et rien ne m'est plus agréable que de penser que le manuscrit vous en
appartiendra. Votre dernière lettre m'apporte une autre très bonne nouvelle : que grâce à vous C.F. Ramuz
ait été à même de lire "Nadja" et ait bien voulu juger cet ouvrage avec sympathie m'est extrêmement sensible,
j'ai depuis longtemps pour Ramuz une admiration mieux que littéraire.
Je vous suis très reconnaissant de songer à présenter si aimablement "Nadja" à vos amis. Est-il besoin de le
dire, tout ce que j'attends de la publication d'un livre est qu'elle éveille spontanément quelques sympathies
comme la vôtre et celle de quelques personnes dont j'apprécie hautement les qualités de cœur et d'esprit.
Veuillez me croire, Monsieur, votre tout dévoué,
André Breton
Dès décembre 1928, donc, le manuscrit de
Nadja
est fixé en Suisse. Il ne reparut que soixante-dix
ans plus tard à Londres, dans une vente aux enchères où Pierre Bergé en fit l'acquisition (Sotheby’s
Londres, 3 décembre 1998, nº 397). Entre-temps, en 1963, établissant le texte pour le tome I des
Œuvres complètes
d’André Breton dans la Pléiade, Marguerite Bonnet se désolait : “Nous n'avons pas
retrouvé le manuscrit de Nadja.”
Or ce manuscrit se révèle un document capital, indispensable à toute édition critique ou annotée
de ce texte clé du XX
e
siècle. En effet, seules les variantes entre les deux éditions imprimées (plus
de 300 d'après Marguerite Bonnet) ont à ce jour fait l'objet d'un véritable recensement, la longue
occultation du manuscrit original n'ayant pas permis de comparer le tout premier jet, réalisé très
rapidement, avec les corrections effectuées par Breton directement sur la copie. Ces innombrables
ajouts et repentirs, tous parfaitement déchiffrables, présentent donc un intérêt littéraire majeur.
L'illustration du manuscrit s'avère tout aussi intéressante. On sait l'importance que Breton accordait
à l’image et à la photographie, et la place centrale que celle-ci occupe dans
Nadja
. Dans l'esprit
de l'auteur, les 44 reproductions – devenues 48 en 1963 – n'étaient pas destinées à jouer un rôle
purement illustratif mais, indissociables de la création littéraire, devaient faire corps avec le texte.
Le manuscrit original comporte en tout 14 documents annexes, dont 7 photographies légendées à la
main par André Breton : ces images ne sont pas les mêmes que celles imprimées par Gallimard en
1928. Breton a également inséré dans le volume 4 documents autographes de Nadja (Léonie Camille
Ghislaine Delcourt, 1902-1941), tous inédits.
L'exemplaire est parfaitement conservé dans une reliure en vélin du Genevois René Asper,
le relieur habituel de H.-L. Mermod.
M. Bonnet in
André Breton, Œuvres complètes
, I, Bibliothèque de la Pléiade, 1988, pp. 1495-1522.- M. Polizzotti,
Revolution of the
Mind. The Life of André Breton
, Boston, 1995.- J. Arrouye,
Les Photographies de Nadja
, in
Mélusine
(IV), 1982.
2 500 000 / 3 500 000 €