Background Image
Previous Page  406 / 476 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 406 / 476 Next Page
Page Background

163

CREVEL, René & Marcel JOUHANDEAU.

Correspondance croisée.

1925-1933.

Ensemble de 96 lettres autographes signées – 78 de René Crevel et 18 de Marcel Jouhandeau

– sur différents papiers et de formats divers, écritures très lisibles à l'encre noire, bleue ou

violette, parfois au crayon. Les lettres sont pour l'essentiel accompagnées d'une transcription

dactylographiée ; le tout est conservé dans un emboîtage en demi-maroquin lavallière, dos à nerfs.

Remarquable correspondance littéraire et personnelle, en partie inédite.

Ces lettres intimes, parfois douloureuses, souvent poignantes, s'échelonnent de 1925, année qui

marque les débuts de l'amitié entre les deux écrivains, à 1933, soit moins de deux ans avant le

suicide de Crevel à l'âge de 35 ans.

L'auteur de

Mon corps et moi

et de

Babylone

se livre ici sans retenue, révélant au cours de cette

correspondance, plus affective que littéraire, les différentes facettes d'une personnalité complexe :

sentimentale, violente, contradictoire, toujours attachante...

Tout Crevel est là : l'ami, le confident, l'amant, le grand amoureux, le mondain, le poitrinaire, le

désespéré, le suicidaire, le sensuel, l'homme de désir, l'archange noir du surréalisme – “né révolté

comme d'autres naissent avec les yeux bleus”, selon le mot de Philippe Soupault –, le communiste

pourfendeur de bourgeois – “saintement irréligieux, généreusement satirique, tendrement violent”

(Jean Cassou) –, l'écrivain, enfin, tout en zigzags, ricochets, explosions, styliste ennemi du “beau

style”, ironique, irrespectueux, sérieux et triste comme un enfant qui joue à la guerre, pressé

comme tous ceux dont la vie est une course contre la montre.

Les premiers pas de la correspondance sont littéraires, Crevel cherchant l’approbation de son aîné.

Ainsi lui écrit-il à la fin de l’année 1925 :

... n'est-il pas indiscret à moi de vous demander ce que vous pensez de mon travail de cet été, et surtout si

vous croyez que le scandale qui en peut naître peut nuire à celui que vous savez et qui renaissait à chaque

ligne

(...).

J'ai peur de ce livre que Soupault aime

[La Mort difficile]

, mais qu'il trouve je crois

scandaleux. J'aime la franchise, je déteste le scandale.

Jouhandeau lui répond :

Cher René, j'ai lu 'La Mort difficile', beau titre, beau livre. Scandale sans aucun doute, mais avec

l'assentiment de M.C.

[Mac Cown]

vous n'avez rien à craindre. S'il accepte d'être livré. On ne peut faire

de lui portrait plus vrai, plus flatteur. J'en ferai peut-être la réplique un jour... Homogénéité admirable

dans le ton. Peut-être quelques longueurs complaisantes au début.

Très vite les lettres deviennent plus intimes : torturées et convulsives chez Crevel, dont la révolte

se radicalise après la mort de sa mère et avec les progrès de la maladie :

Maintenant après des crises de nerfs à Toulon, une heure d'amour avec un marin de 20 ans, boucher à Cette,

qui m'a quitté en me donnant l'évangile selon Saint Jean, je suis avec Eugène

[Mac Cown]

(gentil, mais

de plus en plus mystérieux), au sommet d'une colline. Je travaille, je pense à toi...

[non datée, 1926, de

Cagnes].

Je suis à moitié pourri. Je suis du boudin fait avec du sang de mauvaise qualité, et les montagnes genre faux

Gréco qui m'entourent sont diantrement plus fortes que moi. Je ne te tuerai pas, car si j'avais quelqu'un