“Avec Marceline Desbordes-Valmore, on ne sait parfois ce que l'on doit dire ou retenir, tout vous trouble délicieusement, ce
génie enchanteur lui-même enchanté.”
Les épreuves de l'étude sur Villiers de l'Isle-Adam sont, quant à elles, très corrigées, notamment
dans la première partie, où les suppressions, les ajouts, les ajouts biffés, les repentirs sont nombreux.
Le
“très glorieux”
décerné à l'auteur de
L'Ève future
est souligné deux fois, la liste de ses ouvrages est
complétée et tous sont définis :
“Livres divins, livres royaux.”
Plus loin, Verlaine se justifie : Villiers prend
place parmi les
maudits
uniquement
“parce qu'il n'est pas assez glorieux”
. Et ce jugement sur Victor Hugo :
“lequel Hugo fut à parler franc une façon tout de même de grand poète.”
L'étude que Verlaine s'est consacrée à lui-même,
Pauvre Lelian
, et qui conclut la deuxième édition des
Poètes maudits
, comporte moins de corrections que les précédentes, mais elles sont révélatrices. Celles
qui ne précisent pas des points d'ordre biographique ou bibliographique accentuent la mélancolie
et le masochisme du poète vieillissant : Lelian était dans sa jeunesse un galopin
“pas trop méchant”
, son
premier recueil (dont le nom est ici travesti en
Mauvaise étoile
) ne connut pas un succès “
de fou rire
”
mais
“d'hostilité”
, etc. Et encore ceci, définissant ses ouvrages non catholiques :
“mondains : sensuels avec
une affligeante belle humeur et pleins de l'orgueil de la vie”
remplace : “mondains, sensuels avec une pointe
d'ironie mauvaise et de sadisme plus qu'à fleur de peau.”
Exceptionnel ensemble restituant la genèse d'un livre central dans l'histoire
de la poésie moderne.
La première série contient l’hommage de Verlaine à trois poètes qui, brisant les règles, ont précipité
l'avènement du symbolisme – et de la modernité : Tristan Corbière, Stéphane Mallarmé, Arthur
Rimbaud, dont plusieurs poèmes, et non des moindres, parurent ici pour la première fois.
On relève, pêle-mêle :
Voyelles, Oraison du soir, Les assis, Les effarés, La chercheuse de poux
et
Le bateau ivre
.
Sans oublier des extraits des
Premières communions
et de
Paris se repeuple
ou encore ce célèbre fragment,
avec variante, de l'un des derniers poèmes :
Elle est retrouvée
Quoi ? L'éternité.
C'est la mer allée
Avec les soleils.
La seconde série n’est pas moins intéressante, notamment par ses implications autobiographiques :
Marceline fut l’une des lectures de Verlaine et Rimbaud à Londres et l’essai sur Lelian un texte
primordial pour la connaissance de Verlaine.
En août 1887, les
Maudits
sont au complet, mais Verlaine ne cessa de retoucher son texte, comme le
prouvent ces épreuves corrigées.
En 1972, Jacques Borel regrettait : “Un exemplaire d’épreuves de l’édition de 1884 [sic] ayant fait
partie de la bibliothèque du docteur Lucien-Graux est passé en vente à l’hôtel Drouot (20-21 mars
1957). Nous n’avons pu le retrouver” (Paul Verlaine,
Œuvres en prose
, Bibliothèque de la Pléiade,
Gallimard, p. 1354.)
Provenance : Docteur
Millot
(nom frappé en lettres dorées sur le premier contreplat).- Docteur
Lucien-Graux
(III, 1957, n° 223, avec reproduction).-
H. Bradley-Martin
(1989, nº 1290).
300 000 / 400 000 €