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MALLARMÉ, Stéphane & Edgar Allan POE.

Le Corbeau.

The Raven. Poëme par Edgar Poe. Traduction française de Stéphane Mallarmé avec

illustrations par Édouard Manet.

Paris, Richard Lesclide, 1875.

Grand in-folio en feuilles de (6) ff. et 4 lithographies, plus un ex-libris illustré sur parchemin

(194 x 278 mm) : premier plat de couverture illustrée en parchemin : boîte moderne recouverte de

papier brun, dos de box noir, plat supérieur ajouré.

Édition originale de la traduction de Stéphane Mallarmé

et premier tirage des illustrations d'Édouard Manet.

Tirage annoncé à 240 exemplaires sur papier de Hollande. Celui-ci, n° 204, signé par le poète et le

peintre, ce qui n'est pas toujours le cas.

Les travaux récents de Juliet Wilson-Bareau et Breon Mitchell dans les archives de l'imprimerie de

Richard Lesclide, conservées aux Archives nationales, viennent corriger le tirage optimiste à 240

exemplaires : en réalité, seuls 150 exemplaires furent imprimés, numérotés de 1 à 100 et 190 à 240.

Exemplaire de première émission, avant les petites corrections typographiques effectuées à la demande

de Stéphane Mallarmé.

(Wilson-Bareau et Mitchell,

Tales of a Raven, The Origins and Fate of Le Corbeau by Mallarmé and Manet

in

Print

Quarterly,

vol. 6, n° 3, septembre 1989, pp. 258-307.)

6 remarquables compositions d'Édouard Manet.

L'illustration comprend 4 grands lavis à l'encre autographique à pleine page auxquels s'ajoutent la tête

de l'oiseau sur le premier plat de la couverture en parchemin et un ex-libris, également sur parchemin :

le corbeau y est figuré déployant ses ailes près de l'espace où devait s'inscrire le nom du destinataire.

“Quant aux compositions de Manet, traitées au pinceau, avec une liberté, une concision qui

rappellent les influences japonaises, elles apparaissent (…) adjointes au texte plutôt que fondues à

sa masse. Il n'en demeure pas moins qu'elles seules sont capables de prolonger, par leurs moyens

intrinsèques, cette magie assignée pour but à la poésie dans une

Divagation

de 1893 :

Évoquer, dans une

ombre exprès, l'objet tu, par des mots allusifs, jamais directs, se réduisant à du silence égal, comporte tentative proche de

créer

” (François Chapon).

Le fameux portrait du poète par Édouard Manet est conservé au musée d'Orsay. Et, quand l'éditeur

Édouard Deman publia les poèmes de Poe traduits par Mallarmé en 1888, le livre fut dédié “à la

mémoire d'Édouard Manet”.

Naissance du livre de peintre moderne.

Si

Olympia

, la grande toile qui fit scandale en 1863, marqua la “naissance de la peinture moderne”,

pour reprendre le titre d'un essai fameux de Gaëtan Picon, c'est encore son auteur, Édouard Manet,

qui présida à la naissance d'un genre nouveau appelé à une fortune inouïe : le livre de peintre ou,

pour reprendre cette fois l'expression heureuse d'Yves Peyré, le

livre de dialogue

. Le peintre a été

l'illustrateur des trois livres qui fondèrent cette révolution du regard entre 1874 et 1876 –

Le Fleuve

de

Charles Cros,

Le Corbeau

et

L'Après-midi d'un faune

de Mallarmé.

“Manet est l'artiste qui vient en personne, sans souci de délégation, se mêler de l'illustration d'un

livre, il inaugure une pratique,” relève Yves Peyré qui ajoute, s'agissant du

Corbeau

: “Ce livre est un

monument, Mallarmé et Manet ont passé toute mesure avec ce seul objectif : couper le souffle du

lecteur par la juste manifestation d'une dramaturgie intime. Il n'est pas douteux qu'ils aient voulu

hausser le poème de Poe (morceau favori de Baudelaire et de tous ceux qui, à sa suite, œuvraient à un

élargissement poétique et à une rigueur rythmique – donc de Mallarmé) au niveau du

Faust

de Goethe