BALZAC, Honoré de.
Le Lys dans la vallée.
Paris, Werdet, 1836.
2 volumes in-8 de (2) ff., LV, 325 pp. et (1) f. ; (2) ff., 343 pp. : demi-chevrette cerise, dos à faux
nerfs, listels et fleurons à froid, filets et palettes dorés, tranches mouchetées
(reliure de l'époque).
Édition originale.
Le roman est précédé d'un
Historique du procès
auquel avait donné lieu la publication du
Lys
dans
La
Revue de Paris
. L'écrivain avait en effet intenté un procès à la revue qui avait publié le premier
volume du roman. Le texte présente de nombreuses variantes par rapport à celui paru en revue.
Exemplaire exceptionnel offert par Balzac à la marquise de Castries,
le modèle de la duchesse de Langeais et l'une des passions du romancier.
Reliés pour l'auteur par Spachmann, son praticien habituel, les deux volumes portent
sur le faux titre cet envoi autographe signé :
à Madame la Marquise de Castries
l'auteur
h de Balzac
Cette double dédicace est émouvante car elle associe
le
Lys
, roman de l'amour pur, à celle qui fut
l'une des grandes passions de l'écrivain, et pour qui il soupira en vain.
Fille du duc de Maillé et d'Henriette Victoire de Fitzjames, Claire Clémence Henriette Claudine
de Maillé de la Tour-Landry (1796-1861) avait épousé en 1816 Edmond, marquis, puis duc de
Castries. Leur mariage fut un échec et, dès 1822, la jeune femme s'éprit de Victor de Metternich,
le fils du chancelier d'Autriche. Un enfant naquit de cette union. En 1829, une mauvaise chute
de cheval – qui la rendit presque infirme – et la mort de son amant de la tuberculose la poussèrent
à se retirer du monde. Sans doute aussi était-elle lasse de l'hostilité de ses contemporains qui lui
reprochaient ses écarts de conduite. La marquise se réfugia tantôt chez son père, au château de
Lormois, tantôt chez son oncle Fitzjames, au château de Quevillon. C'est également en 1829,
chez Olympe Pélissier, qu'elle rencontra Balzac.
Mme de Castries eut d'abord l'idée de se faire passer pour une admiratrice anglaise, ce qui flatta
beaucoup l'écrivain. Mais dès sa deuxième lettre, elle dévoila sa véritable identité. Balzac en fut
plus flatté encore. Le romancier répondit sans répondre, par une lettre sibylline ; la marquise lui
envoya des fleurs en retour. En mêlant bienveillance et tendresse, elle parvint à se l'attacher, au
point que Balzac, pour lui plaire, se crut obligé de publier des articles dans
Le Rénovateur
, un journal
légitimiste, provoquant ainsi la colère de son amie Zulma Carraud, ardente républicaine.
En août 1832, Mme de Castries invita l'écrivain à l'accompagner à Aix-les-Bains, puis en Suisse et
en Italie. Impécunieux, Balzac déclina dans un premier temps l'offre et se réfugia chez les Carraud
pour écrire. Puis, ayant réussi à réunir les fonds, il rejoignit Mme de Castries, laquelle devait se
montrer de plus en plus distante. Dépit de Balzac et début d'une amitié orageuse : échange de
lettres exaspérées, humiliations mutuelles... Une manière de réconciliation eut lieu lorsque la
marquise crut se reconnaître dans le personnage d'Antoinette de Langeais qui, dans
La Duchesse de
Langeais
, est définie comme “l'une des deux ou trois femmes qui, sous la Restauration, continuèrent
les mœurs de la Régence”. Cette allusion lui fit oublier la dédicace de
L'Illustre Gaudissart
, qu'elle
considérait comme une pochade.
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