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Très bel exemplaire, relié à toutes marges.

Provenance :

Honoré de Balzac

.- Vente de la bibliothèque de Mme Hanska où environ 2 500 volumes

furent proposés en lots (Paris, 25 avril 1882). -

Alphonse Parran

(?).-

Paul Voûte

, avec ex-libris (cat.

1938, n° 111).-

Charles Gillet

(

Dix siècles de livres français

, 1949, n° 224).-

Robert von Hirsch

, avec ex-libris

(cat. 1978, n° 106).-

André Tissot-Dupont

, avec ex-libris.

Notice manuscrite de Maurice Chalvet insérée en tête.

Quelques piqûres ; petite restauration à la coiffe supérieure du tome II.

On joint à l'exemplaire un fragment autographe de la célèbre préface de Gautier ;

il offre quelques pages parmi les plus rageuses lancées contre l’hypocrisie en matière

d’art et de censure, et contre l’aveuglement fielleux de la critique.

Ces deux grandes pages in-folio correspondent à peu près à onze pages du texte imprimé (pp. 16-27).

Après avoir relevé chez Molière et les auteurs de la comédie classique les pires exemples d’adultère

et de dépravation, Gautier se justifie, puis fonce dans la mêlée :

… Nous voulions simplement démontrer aux pieux feuilletonistes, qu’effarouchent les ouvrages nouveaux et

romantiques, que les classiques anciens, dont ils recommandent chaque jour la lecture et l’imitation,

les surpassent de beaucoup en gaillardise et en immoralité.

À Molière nous pourrions aisément joindre et Marivaux et La Fontaine, ces deux expressions si opposées de

l’esprit français, et Régnier, et Rabelais, et Marot, et bien d’autres. Mais notre intention n’est pas de faire ici,

à propos de morale, un cours de littérature à l’usage des vierges du feuilleton.

(…)

Quand je lis par hasard un de ces beaux sermons qui ont remplacé dans les feuilles publiques la critique

littéraire, il me prend quelquefois de grands remords et de grandes appréhensions, à moi qui ai sur la

conscience quelques menues gaudrioles un peu trop fortement épicées, comme un jeune homme qui a du feu

et de l’entrain peut en avoir à se reprocher.

(…)

En cherchant bien, on trouverait peut-être un autre petit vice à ajouter ; mais celui-ci est tellement hideux

qu’en vérité je n’ose presque pas le nommer. Approchez-vous, et je m’en vais vous couler son nom dans

l’oreille : – c’est l’envie. L’envie, et pas autre chose.

C’est elle qui s’en va rampant et serpentant à travers toutes ces paternes homélies : quelque soin qu’elle

prenne de se cacher, on voit briller de temps en temps, au-dessus des métaphores et des figures de rhétorique,

sa petite tête plate de vipère ; on la surprend à lécher de sa langue fourchue ses lèvres toutes bleues de venin,

on l’entend siffloter tout doucettement à l’ombre d’une épithète insidieuse.

(…)

Une chose certaine et facile à démontrer à ceux qui pourraient en douter, c’est l’antipathie naturelle du

critique contre le poète, – de celui qui ne fait rien contre celui qui fait, – du frelon contre l’abeille

– du cheval hongre contre l’étalon.

Vous ne vous faites critique qu’après qu’il est bien constaté à vos propres yeux que vous ne pouvez être poète.

Avant de vous réduire au triste rôle de garder les manteaux et de noter les coups comme un garçon de billard

ou un valet de jeu de paume, vous avez longtemps courtisé la Muse, vous avez essayé de la dévirginer ;

mais vous n’avez pas assez de vigueur pour cela ; l’haleine vous a manqué, et vous êtes retombé pâle et

efflanqué au pied de la sainte montagne.

Je conçois cette haine. Il est douloureux de voir un autre s’asseoir au banquet où l’on n’est pas invité,

et coucher avec la femme qui n’a pas voulu de vous. Je plains de tout mon cœur le pauvre eunuque obligé

d’assister aux ébats du Grand Seigneur.

(…)

Le critique qui n’a rien produit est un lâche ; c’est comme un abbé qui courtise la femme d’un laïque :

celui-ci ne peut lui rendre la pareille ni se battre avec lui.

“Après pareille préface qui aurait pu être contresignée par Balzac, (...) le roman de Gautier

ne pouvait que plaider la désobéissance morale et l'indifférence politique” (S. Guégan).

Guégan,

Théophile Gautier

, 2011, pp. 90-131.- Clouzot, p. 70 : “Extrêmement rare.”- T. Bodin,

A propos de quelques livres ayant

appartenu à Balzac. Balzac et ses relieurs

, in

Courrier balzacien

, 1991, n° 44, pp. 34-35.

60 000 / 80 000 €