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GOGOL, Nicolas Vassilievitch.
Vechera na khutore bliz Dikan'ki
[Les Soirées du hameau près de Dikanka, récits publiés par
l'apiculteur Panko le rouge, en russe].
Saint-Pétersbourg, 1831-1832.
2 volumes in-12 de XXII, 244 pp. ; XVI, 354 pp. et (2) ff. ; demi-basane maroquinée cerise à coins,
dos lisses ornés, tranches mouchetées
(reliure de l'époque).
Édition originale, très rare.
Le premier chef-d'œuvre de Gogol, et son premier livre en prose :
un recueil de huit contes inspirés de la vie des paysans de son Ukraine natale.
La Foire de Sorotchinsky, La Nuit de la Saint-Jean, Une nuit de mai ou la Noyée, La Dépêche disparue, La Nuit de Noël,
Une terrible vengeance, Ivan Fiodorovith Chponka et sa tante, Le Terrain ensorcelé.
Ces récits tour à tour grotesques, drolatiques ou fantastiques furent composés dans une période de
crise : Gogol, qui regrettait le soleil d'Ukraine et supportait mal son emploi dans l'Administration,
s'était enfin décidé à démissionner pour aller enseigner à l'Institut patriotique pour filles d'officiers
nobles de Saint-Pétersbourg. C'est aussi à cette époque que le futur auteur des
Ames mortes
fut
introduit dans les milieux artistiques et littéraires pétersbourgeois ; il y rencontra notamment
Pouchkine, qui l'encouragea à écrire.
En 1829, Gogol avait publié à ses frais et sous le pseudonyme de V. Alov un poème sentimental
dans le goût romantique intitulé
Hans Küchelgarten
. La plaquette n'eut aucun écho, sauf deux articles
très sévères dans
Le Télégraphe de Moscou
et dans
L'Abeille du Nord
. Furieux, l'auteur retira son livre des
librairies, récupéra tous les exemplaires et les brûla. Vingt-trois ans plus tard, il réservera le même
sort à son dernier livre, le second tome des
Âmes mortes
.
Ces
Soirées du hameau
ont paru sous le pseudonyme de
Panko le rouge, éleveur d'abeilles
. C'est son ami
Pletniov qui avait recommandé à Gogol d'utiliser un pseudonyme pour ne pas compromettre sa
position de professeur à l'Institut patriotique.
Pouchkine, que Gogol avait rencontré pour la première fois en mai 1831, se montra enthousiaste,
soulignant la “vraie gaieté, sincère, sans contrainte, sans afféterie, sans raideur” du recueil, ajoutant :
“et par endroits, quelle poésie, quelle sensibilité !”. Il en reparlera avec la même chaleur en 1836
dans sa grande étude
Sur la nouvelle russe
. La critique officielle fut en revanche plutôt réservée, voire
malveillante. “Ainsi se dessinent, dès le début de la carrière de Gogol, avec des arguments qui ne
feront que se répéter à satiété de part et d'autre, les deux camps dont l'un saluera avec enthousiasme
comme réaliste, et l'autre ne cessera de réprouver comme triviale, la nouvelle conception que Gogol
apporte d'une littérature nationale” (Gustave Aucouturier).
Précieux et bel exemplaire, non seulement complet des deux volumes, mais encore en
reliure uniforme de l'époque, exécutée en Russie.
Les deux volumes parurent à plusieurs mois d'intervalle, le premier en septembre 1831, le second
en mars 1832, chez deux imprimeurs différents. Ils furent tirés chacun à 1 200 exemplaires.
La plupart des collections ne possèdent que le premier tome.
Quelques rousseurs sans caractère de gravité ; reliure habilement restaurée. Restauration au papier
collant pages 55-56 du tome II. L'exemplaire est conservé dans un emboîtage moderne d'Alain
Devauchelle. Cachet ex-libris
J. de Haussmann
sur les contregardes.