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CALLOT, Jacques.
Les Miseres et les Malheurs de la guerre
. Representez par Jacques Callot Noble Lorrain.
Et mis en lumiere par Israel son amy.
Paris, Israël Henriet, avec privilège du Roy, 1633
.
Album petit in-4 oblong [181 x 270 mm] de 18 ff. : maroquin janséniste rouge, dos à nerfs, coupes
filetées or, dentelle intérieure, tranches dorées
(Chambolle-Duru)
.
Chef-d’œuvre de Jacques Callot (Nancy 1592-1635), la suite dessinée et gravée à la fin de sa vie
est un des sommets de la gravure originale. En 1633, ces
Misères
sont celles de l’époque et de toutes
les guerres. Elles préfigurent toutefois sans ménagement la stratégie de l’effroi, loin des guerres
conventionnelles entre militaires - en résonnance profonde avec les
Désastres de la guerre
de Goya,
la toile monumentale de
Guernica
ou avec
Horreur de la guerre
de Bernard Buffet.
Suite complète composée d’un frontispice et de 17 eaux-fortes originales.
Épreuves du deuxième état sur trois.
Les planches numérotées, en bas à droite, comportent une légende attribuée à l’abbé de Marolles
sous forme de sixain, de même que l’
excudit
d’Israël Henriet. Ami d’enfance du Lorrain, ce dernier
détenait les cuivres et l’exclusivité de leur tirage.
Le maître de l’eau-forte en a renouvelé la technique. Il avait substitué au vernis tendre, en usage
jusque-là, le vernis dur des luthiers qui donne libre cours à la virtuosité de sa pointe tout en
conférant au trait l’acuité du burin.
Avec une science éprouvée de la mise en scène et du détail, les tableautins restituent
l’Enrôlement des
troupes, la Bataille, le Pillage et incendie d’un village, l’Attaque de la diligence, l’Hôpital, les Mourants sur les bords
des routes, la Pendaison, le Bûcher
.
Loin d’être intemporelle, la suite est liée à l’histoire immédiate des ravages de la guerre de Trente
Ans en son mitan. Pour ce qui est de son sens profond, une réflexion de Marc Fumaroli transcende
les interprétations divergentes des historiens : “
Les Misères de la guerre
, peut-être commandées
par la cour de France, ne sont pas plus que les autres spectacles de la mort une protestation
contre l’injustice ou un apitoiement sur la patrie menacée, mais un dévoilement de la condition
humaine.”
Exemplaire d’exception, d’un tirage homogène et contrasté ; les épreuves sont dotées de très
grandes marges.
Conformément au goût de l’époque, la suite est le plus souvent
émargée
: chaque épreuve étant
rognée “au témoin du cuivre”. Dans le cas présent, les épreuves mesurent 181 x 270 mm.
Des bibliothèques
René Descamps-Scrive
(Cat. I, 1925, n° 54) et
Édouard Rahir
(Cat. V, n° 1277).
Brunet I, 1489, n° 18.- Rahir,
Bibliothèque de l’amateur,
p. 352.- Lieure,
Jacques Callot. Catalogue raisonné
1989, n° 1339-1356.
-
Fleurons de la Bodmeriana,
2005, n° 39.
4 000 / 6 000 €