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les collections aristophil

482

BACHET DE MÉZIRIAC Claude-Gaspard

(1581-1638)

poète, helléniste, traducteur, philologue et mathématicien ;

membre fondateur

de l’Académie française [AF 1634, 13

e

 f].

MANUSCRIT en grande partie autographe, [

De la

Traduction

, 1635] ; cahier de 21 pages petit in-4 (environ

19,8 x 14,3 cm), dont les pages 1 à la moitié de la p. 8 et du

début de la p. 17 à la fin entièrement autographes, le reste

d’un secrétaire avec ratures, corrections et de nombreuses

annotations marginales autographes.

5 000 / 6 000 €

Rarissime manuscrit du discours d’entrée de Bachet de Méziriac

à la toute jeune Académie française, sur la traduction

.

Ce discours, le 17

e

prononcé à l’Académie, fut lu par VAUGELAS le

10 décembre 1635 en l’absence de son auteur, habitant Bourg-en-

Bresse et malade, qui avait été dispensé de la résidence, « le seul

académicien qui n’ait jamais assisté à aucune séance de l’Académie »

(R. Kerviler). Après les compliments d’usage, c’est une critique sévère

de la célèbre traduction par Jacques AMYOT des

Vies parallèles

des hommes illustres

de PLUTARQUE, dont Méziriac préparait une

nouvelle traduction.

Le texte en fut publié dans le nouveau

Menagiana

en 1715, puis en

tête de la « nouvelle édition » des

Commentaires sur les Epistres

d’Ovide

de Méziriac (La Haye, Henri du Sauzet, 1716, t. I. p. 23-56).

« Messieurs, je tiens si cher l’honneur que vous m’avez fait de me

recevoir en cette celebre compagnie, où vous n’avez admis personne

qui ne me surpasse infiniment en merite, que je m’estime estre obligé

pardessus tout d’obéir exactement à voz commandemens. C’est

pour m’acquitter de ce devoir que je vous presente ce discours

mal poli, dont la rudesse vous fera bien conestre que je l’ay enfanté

dans un pays barbare, avec un esprit rempli d’inquietudes, et qui

n’a peu s’empescher de compatir à un corps travaillé de cruelles et

continuelles douleurs. […] Si j’ai pris quelque peine pour acquerir une

mediocre connoissance des langues estrangeres, ça esté avecque

dessein de contenter mon esprit plustost que d’en faire parade, et

j’ay tousjours fait plus d’estat des choses que des paroles, ne me

proposant autre but en mes estudes, que de parvenir à l’intelligence

des anciens autheurs, pour puiser les sciences dans leur source,

sans m’amuser à l’agencement des mots, ni à l’elegance du stile. […]

C’est pourquoy, messieurs, j’ay bien de la peine de me persuader

que je puisse tenir aucun rang en cette illustre Académie où l’on fait

profession de l’eloquence, et l’on pretend de conduire nostre langue

à sa perfection »…

Il en vient au fond de son sujet, et parmi les « doctes et laborieuses

traductions [qui] ont transporté en France les tresors de la Grece »,

il retient AMYOT qui « a si bien merité l’approbation generale, qu’il

est tenu de tous pour le meilleur et le plus judicieux traducteur que

nous ayons, tant à cause qu’il a choisi un autheur excellent, et dont

les escris sont remplis de toute sorte d’érudition ;que parce qu’il l’a

traduit en un fort beau style, et qui approche de la perfection autant

qu’il estoit possible en un siecle où les espris n’estoient point encore

parfaittement polis. […] Mais la seule beauté du langage ne suffit pas

pour faire estimer une traduction excellente. […] la qualité la plus

essentielle à un bon traducteur c’est la fidelité »… Alors commence une

charge à fond contre le malheureux Amyot, accusé d’avoir perverti,

en plus de mille endroits, le texte original de Plutarque, et dont le

moindre défaut a été l’ignorance. Ses erreurs, ignorances, fautes ou

contresens sont impitoyablement relevées, plume à la main…

Le discours se termine par une invocation à RICHELIEU : « Que si

j’osois me persuader que les Astres qui presiderent à ma naissance

me promirent tant de bonheur, qu’un jour ce grand et inimitable

Cardinal qui par ses grandes actions attire à soi les yeux de tout le

monde, regardera mon Plutarque d’un œil favorable, et que quand

il aura quelques momens de loisir, et voudra descharger son esprit

de tant de soings dont il est continuellement occupé, pendant qu’il

travaille à faire conspirer toute l’Europe au bien et à l’honneur de

la France, il se donnera un agréable divertissement par la lecture

de ce divin autheur. [...] Il me doit suffire de participer aux douces

influences que ce bel astre repand generalement sur la France, qu’il

fait jouir d’une profonde paix, pendant que le fer et la flame ravagent

tout le reste de l’Europe. Aussi je professe que je ne souhaitte point

d’autre recompense de mes labeurs, que de pouvoir laisser quelque

marque à la postérité, d’avoir vescu dans un siecle qui a produit tant

de merveilles et de m’estre mis en devoir d’enrichir la France des plus

rares despouilles de la Grèce, au mesme temps que nostre invincible

monarque se chargeant de celles qu’il remporte tous les jours sur ses

ennemis, tant par les fideles conseils de cet incomparable ministre,

que par l’effort de ses armes victorieuses, va estendre son empire

jusques aux limites de l’ancienne Gaule. »

Bibliographie

 : René Kerviler,

Claude-Gaspard Bachet seigneur de

Méziriac, l’un des quarante Fondateurs de l’Académie française.

Étude sur sa vie & sur ses écrits

(Paris, Dumoulin, 1880, notamment

pp. 49-54). Raoul Bonnet, « Un manuscrit de Bachet de Méziriac »

(in

L’Amateur d’autographes

, 1900, p. 192-193) ; et

Isographie

(p.17).

Provenance

 : ancienne collection Edgar GOURIO DE REFUGE (23-24

décembre 1902, n° 13) ; vente 14 mai 1964 (Jacques Arnna expert, n° 2).

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