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ACADÉMIE FRANÇAISE
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HUGO Victor
(1802-1885) [AF 1841, 14
e
f].
L.A.S. « Victor Hugo », Hauteville House 27 janvier [1857],
à Abel VILLEMAIN ; 3 pages in-12 remplies d’une petite
écriture serrée, adresse contresignée « V. H. » (infime
déchirure par bris du cachet affectant 2 ou 3 lettres).
1 500 / 2 000 €
Magnifique plaidoyer pour faire élire Théophile Gautier à l’Aca-
démie française
.
[Malgré ce bel éloge d’un de ses plus fidèles amis, Théophile Gautier
ne sera pas élu en raison de son concubinage notoire.]
D’abord, Victor Hugo se justifie de sa lettre écrite sur un « papier
impossible ; nos lettres ont besoin de se faire petites pour entrer
dans l’empire. La Frontière actuelle de la France n’admet guère que
ce qui est microscopique »... Il se lamente sur son exil : « Je suis une
espèce de mort, et j’ignore à peu près toutes les choses de la vie,
parmi lesquelles je range volontiers l’académie. Il est évident d’ailleurs
que, si l’académie voulait, elle serait toute la vie de l’intelligence, étant
la seule assemblée qui ait encore, jusqu’à un certain point, droit de
rayonnement »...
Il en vient à avancer la candidature de Théophile GAUTIER : « Il y a
deux places vacantes, me dit-on. Quant aux candidatures, on ne m’en
désigne qu’une, celle de Théophile Gautier. J’en suis charmé. C’est
déjà un grand pas que Théophile Gautier se présente ; ce serait une
belle chose qu’il fut élu. Gautier est depuis vingt ans dans la lutte du
siècle ; il est depuis 1836 sur la brèche des idées et de l’art, il est poëte
éclatant, critique enthousiaste, vrai et profond, prosateur rare, esprit
lumineux dans toutes les sphères de la pensée pure. Vous connaissez
ses travaux de tout genre ; il est hors des choses politiques, et sa
nomination n’aurait aucune signification de ce côté-là ; pourtant,
au point de vue de l’art, elle voudrait dire liberté, ess[or ?], lumière,
progrès ; car Gautier est, dans les sereines régions de la poésie et de
l’esthétique, un des combattants glorieux de l’esprit humain. – Dans
des temps comme les nôtres, il y a deux besoins, et l’académie a
deux devoirs, un devoir politique et un devoir littéraire ; la nomination
de Th. Gautier, ce serait le devoir littéraire accompli ; quant à l’acte
politique, qui n’est pas moins nécessaire, l’autre élection le ferait.
Voilà ce que je vous murmure à l’oreille du fond de mon tombeau »...