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258

les collections aristophil

Violente attaque contre Victor HUGO et la

nouvelle série de

La Légende des siècles

.

[Cet article parut dans

Le

Sémaphore de

Marseille

du 21 mars 1877. Le manuscrit

présente quelques ratures et corrections.]

Zola veut rétablir la vérité : « la deuxième

série de la

Légende des Siècles

, malgré ce

qu’affirment les réclames, est de beaucoup

inférieure à la première série », et elle n’a

pas tant de succès qu’on le dit : « le livre

a été très peu acheté. C’est un insuccès

absolu en librairie », qui coûte trop cher ; et

c’est « d’une lecture parfaitement ennuyeuse

[…] On admire Victor Hugo, mais on le lit

peu, en dehors du monde littéraire. Plus il a

grandi, et plus il est devenu apocalyptique ;

aujourd’hui, il est illisible pour les femmes et

les simples bourgeois »… Zola s’interroge sur

le déisme de V. Hugo : « quel est ce Dieu,

d’où vient notre âme, où va-t-elle, pourquoi

s’est-elle incarnée ? C’est ce qu’il se contente

d’expliquer d’une façon poétique ; il bâtit les

dogmes les plus étranges, il se perd dans

des interprétations stupéfiantes. En lui, tout

reste sentiment ; il fait de la politique de

sentiment, de la philosophie de sentiment,

de la science de sentiment. Comme disent

ses disciples, il tend vers les hauteurs […] ;

il serait certainement préférable, à notre

époque, de tendre vers la vérité. Dénouer

toutes les questions par la bonté, n’avance

pas à grand’chose. De même, quand il a

foudroyé les prêtres et les rois, en exaltant

une fraternité idéale des peuples, cela

n’empêchera pas les peuples de se dévorer

dans la suite des siècles »…

Hugo est un poète lyrique, non un « homme

universel », comme le voudraient ses

disciples ; c’est « un des remueurs de mots

et de rhythmes les plus merveilleux que

nous ayons eus », mais celui qui étudierait

son œuvre depuis les

Odes et Ballades

reconnaîtrait que, telle une fleur qui

s’épanouit, puis se fane, « Hugo en est à

cette dernière période. […] il a accompli son

évolution, d’après certaines lois fatales. Oui, il

devait arriver, par la nature elle-même de son

tempérament, à cette attitude de prophète

qu’il a prise ; il devait être de plus en plus

l’esclave de la rhétorique qu’il s’était faite ;

il devait multiplier les chevilles et ajouter

souvent deux ou trois vers pour le seul plaisir

de justifier une rime riche ; il devait patauger

de plus en plus dans le sublime, exagérer son

effarement et son vertige de visionnaire […] ;

il devait dompter la langue, au point de la

traiter en conquérant, qui n’a plus le respect

des phrases et qui les torture à sa fantaisie »…

Aujourd’hui, Victor Hugo « pontifie » ; il est

devenu d’autant plus solennel que ses vers

sont devenus plus vides. « Je l’ai appelé

un visionnaire. Ce mot le juge. Il a traversé

notre époque sans la voir, les yeux fixés sur

ses rêves »…

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ZOLA Émile (1840-1902).

Manuscrit autographe,

Notes parisiennes

, Paris 19 mars [1877] ; 5 pages et

demie in-8 sur 6 feuillets de papier bleu fin, montées sur onglets et reliées en un

vol. cartonnage parcheminé vert (le 2

e

feuillet a été découpé pour l’impression

et recollé ; légères salissures et annotations typographiques, report d’encre

d’épreuves au verso de 2 ff).

5 000 / 7 000 €