edition
Les lettres et traités de saint Jérôme ont été imprimés et commentés
dès les premières décennies de l’imprimerie, prenant la suite d’une
riche tradition manuscrite. La première rubrique indique le contenu
des deux forts volumes : « Incipit liber Ieronimianus sic dictus eo
quod epistolas beati Ieronimi ad diversos et diversorum ad ipsum ».
On imprime quatre éditions des Lettres de saint Jérôme entre 1468
et 1470 : ces éditions contiennent entre 70 et 130 lettres. La présente
édition renouvelée de Peter Schoeffer contient plus de 200 épîtres,
organisées thématiquement. Schoeffer fit l’effort de rechercher dans
les bibliothèques ecclésiastiques et monastiques des lettres inédites.
Il employa pour ce faire Adrianus Brielis, un moine bénédictin de
l’abbaye Mons S. Jacobi, qui augmenta le corpus et supervisa les
corrections. On connait deux versions ou états du texte, et Lotte
Hellinga a pu montrer qu’environ 150 feuillets (sur 408) ont été
réimprimés pour incorporer des corrections. Hellinga a aussi pu
trouver des corrections rajoutées à la main, témoin de ce souci de
correction et d’amélioration du texte de la part des éditeurs, des
imprimeurs et lecteurs avisés. De plus, deux émissions distinctes
existent pour la préface et le colophon, avec l’une adressée aux ordres
religieux (émission « a ») et l’autre à tous les chrétiens (émission « b »).
L’exemplaire Doheny est un exemple de l’émission « a » (issue « a »)
et contient de nombreux feuillets avec des corrections manuscrites
qui seront par la suite effectivement imprimées corrigées dans
la seconde version. Si l’exemplaire se devait d’être incorporé à la
bibliothèque monastique des Chartreux d’Erfurt, il est logique que
la version retenue soit celle qui contient la préface adressée aux
membres des ordres religieux.
Les exemplaires imprimés sur vélin sont plus rares que les versions
papier : sur les 89 exemplaires connus, seuls 16 sont imprimés sur
vélin. L’exemplaire Doheny est un exemplaire très grand de taille,
non rogné (piqures visibles).
enluminure
L’exemplaire décrit est doté d’un décor peint à la main, typique
de l’enluminure pratiquée à Mayence et que l’on trouve à la fois
dans les manuscrits de la période et les premiers imprimés. Plus
particulièrement, les artistes ayant œuvré dans ces volumes sont
directement reliés à l’officine de Peter Schoeffer à Mayence.
Le décor s’ouvre par une initiale historiée de 16 lignes de hauteur,
faisant office de « page-frontispice », figurant saint Jérôme dans son
studiolo ; l’initiale est prolongée par une bordure décorée avec des
archers chassant un dragon. A ce décor se rajoute plusieurs initiales
peintes et ornées, d’une hauteur de 8 lignes, introduisant chacune
des Distinctions.
Lorsque Peter Schoeffer a conçu son édition, il propose des versions
sur papier ou su vélin, décoré ou non, avec des décors allant du simple
décor filigrané au décor enluminé historié. L’exemplaire Doheny est à
classer parmi les exemplaires de luxe sortis de l’officine de Schoeffer.
La qualité artistique du décor des incunables sortis des presses de
Schoeffer est soulignée par E. König :
“Only at very rare moments did the illumination of incunabula reach
the highest artistic standards of the period. One such example is,
for the art historian, the most astonishing single book in the Doheny
collection: the
Epistolary
of St-Jerome printed by Peter Schoeffer in
1470. Almost miraculously well-preserved in their original bindings,
these two volumes satisfy on every count: beautiful printing on highest
quality vellum in the largest format, and decorated in the best German
style of its period” (E. König, “Illuminated Incunabula in the Doheny
Library”, Christie’s, Vente Estelle Doheny 1987, p. 293).
Dans son étude consacrée aux incunables enluminés de la collection
Doheny, E. König consacre un chapitre intitulé « The 1470
Epistolary
of St. Jerome ». Il distingue deux mains dans le décor peint qui orne
l’exemplaire Doheny. La première – the « Housebook Master » - est
associée au Waldburg-Wolfegg
Hausbuch
et au Pontifical d’Adolf
de Nassau (archevêque de Mayence). Cet artiste qui peint l’initiale-
frontispice figurant saint Jérôme dans son studiolo est associé avec la
région du Rhin, entre Mayence et Speyer. König relève que le décor
filigrané (rouge) de ce premier feuillet-frontipice diverge du décor
filigrané (penwork) des autres feuillets (bleu) : on trouve ce même
décor rouge dans le Pontifical d’Adolf de Nassau (Aschaffenburg,
Hofbibliothek, MS 12). König : « This senior artist was likewise
responsible for one of the greatest German manuscripts of the
century : the Pontifical of Adolf of Nassau, archbishop of Mainz from
1461 to 1475. In this manuscript we find the same curious penwork
as on the Jerome frontispiece. Many motifs are common to both
books, such as the large, fantastic flower in the upper right corner
of the Jerome frontispiece...The historiated initials of the Jerome
frontispiece are likewise closely connected with the miniatures of
the Aschaffenburg Pontifical, and leave little doubt that they were
executed by the same artist » (E. König, “Illuminated Incunabula in
the Doheny Library”, Christie’s, Vente Estelle Doheny 1987, p. 294).
La deuxième main qui peint des initiales et des décors est identifiable,
d’après König, comme l’un des artistes du Virgile de Heidelberg
Virgil of Pfalzgraf Philipp] (Vatican, BAV, Vat. Pal. Lat. 1632, datable
1473/1474) : « I am convinced that the best pages of the Heidelberg
Virgil were illuminated by the same hand as most of the decoration
of the Doheny Jerome. His manner is discernible in many details of
draughtsmanship, from the typical blue penwork with a predilection
for parallel lines, to the highly dimensional, inventive character of
the foliage » (König, 1987, p. 296).
En guise de conclusion, König rappelle le lien entre Erfurt et Mayence,
et les exemplaires de la Bible de Gutenberg enluminés à Erfurt (Scheide
copy ; Fulda ; Eton College ; Londres, British Library) et pour trois
d’entre eux, reliés à Erfurt, comme le Jérôme de Doheny. König
n’exclut pas la possibilité que le style du second artiste du Jérôme
de Doheny puisse être associé à la ville d’Erfurt avant son installation
à Heidelberg, au sud de Mayence : « We must, therefore, leave it an
open possibility that the Doheny Jerome was illuminated in Erfurt.
Until now, this great book has remained unknown to scholarship. It
may continue to add important new knowledge, if only it remains
accessible to historians of the fifteenth-century book. It is at the
center of what we want to understand about the book in Germany
in the first decades after Gutenberg’s invention” (König, 1987, p. 302).
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