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ment identique pour tous ces exemplaires, on a constaté toutefois

que des erreurs ou des accidents, comme l’interversion de lignes,

par exemple, ainsi que des corrections, avaient eu lieu du premier

tirage au dernier et qu’ils concernaient toujours deux lignes à la fois :

des paires de lignes constituées chacune d’une ligne paire et d’une

ligne impaire. Afin d’expliquer ces anomalies, plusieurs hypothèses

furent émises, dont celle de P. Needham la plus vraisemblable. Elle

fut formulée la première fois dans

The Papers of the Bibliographical

Society of America

(1982), puis étayée dans de nombreuses contri-

butions postérieures (notamment dans le

Wolfenbütteler Notizenzur

Buchgeschichte

, 1988 ; dans le

Gutenberg Jahrbuch

, 1990 et 1991 ;

ainsi que dans le

Bulletin du Bibliophile

, 1992). Selon Needham, ces

trois émissions espacées dans le temps furent imprimées à l’aide

de blocs de deux lignes fondues ensemble (auxquelles il donna le

nom de «

slugs

»

[« lingots »]) et qui pouvaient ainsi être conservées

et réutilisées ultérieurement.

Ainsi, le

Catholicon

, bien qu’imprimé par Gutenberg lui-même en

1460, ne fut pas imprimé avec des caractères mobiles, mais d’une

façon complètement différente qui préfigure la composition par des

procédés beaucoup plus récents, tels que la stéréotypie ou linotypie.

Après l’invention des caractères mobiles, toujours selon Needham,

Gutenberg tenta donc avec cette édition du

Catholicon

de trouver

une solution au «

défi de la fixation permanente des compositions

typographiques

». Lors de l’impression du

Catholicon

, Gutenberg

réalisa également avec cette nouvelle technique deux autres publi-

cations, puis utilisa les mêmes caractères mais cette fois dans leur

forme mobile pour trois éditions d’

Indulgences

en 1461, 1462 et 1464.

Il mourut le 3 février 1468 et le 26 du même mois, Konrad Humery

(c. 1405- c.1472), syndic et juriste de Mainz se déclara propriétaire

de tout le matériel typographique de Gutenberg. Un an plus tard,

Peter Schoeffer indiqua le

Catholicon

dans le catalogue d’annonce

de ses publications, ainsi que le Thomas d’Aquin et le Matthieu de

Cracovie que Gutenberg avait composés de la même façon. Ceci

met en relation, une seconde fois, Gutenberg et Schoeffer, qui était

le seul imprimeur de Mayence à cette date. Konrad Humery dut

lui vendre le stock de « groupes de lignes » (slugs) ou bien le com-

missionner pour cette deuxième impression. Quant à la troisième

impression du

Catholicon

, elle dût être faite par Schoeffer pour son

propre compte, Humery étant décédé à cette date.

Cette œuvre du dominicain Johannes Balbus de Janua ou Giovanni

Balbi di Genova, ou en français Jean de Gênes (mort en 1298),

fut composée vers 1286. La

Summa grammaticalis quae vocatur

catholicon

, dit le

Catholicon

, est le premier dictionnaire de voca-

bulaire latin rédigé dans un ordre strictement alphabétique, et, en

cela, il peut être considéré comme le tout premier dictionnaire de

l’Occident. Souvent remanié et développé par des humanistes aux

XV

e

et XVI

e

siècles, il devint un modèle pour tous les dictionnaires

universels [« catholicon » signifiant en grec : « universel »], et fut

longtemps un terme générique pour tous les dictionnaires. Si

Gutenberg éprouva le besoin de l’imprimer peu de temps après

la Bible, c’est qu’il s’agissait à l’évidence pour lui et ses contem-

porains d’un des ouvrages indispensables aux hommes instruits.

Cet ouvrage connut près d’une douzaine d’éditions pendant la

période incunable. Après cette première édition à Mayence par

Gutenberg, les suivantes furent réalisées respectivement par

Günther Zainer à Augsbourg le 30 Avril 1469, puis par Mentelin et

Rusch à Strasbourg vers 1475.

provenance :

1. Annotations marginales occasionnelles d’une main du XVI

e

siècle.

2. Selon une indication manuscrite ancienne à l’encre sur le premier

feuillet blanc, il pourrait s’agir d’un exemplaire provenant de la

bibliothèque de Louis-César de la Baume-le-Blanc, Duc de La

Vallière (1708-1780) : «

Vendu dans la vente du Duc de La Vallière à

2000 [francs] ».

Une seconde main a inscrit au-dessous «

imprimé

sur vélin

»

:

il se peut que cette annotation ne soit qu’une indication

du prix de vente d’un exemplaire ayant effectivement appartenu

à La Vallière, mais imprimé sur vélin. Un exemplaire sur vélin en

provenance de La Vallière est indiqué dans le catalogue de la vente

de Justin Mac-Carthy-Reagh, 1815 (n°2183). Cet exemplaire fut en

tous les cas relié de nouveau au XVIIIe siècle, vers 1770, en plein

maroquin rouge, avec dentelle intérieure. La Vallière était possesseur

d’au moins trois exemplaires du

Catholicon

(dont deux considérés

comme « doubles » furent vendus en 1767, lot 2287 : un exemplaire

de troisième impression, maintenant à la Bibliothèque nationale

d’Autriche (De Ricci 90.53) ; un autre considéré comme « imparfait »

(De Ricci 90.1) et aujourd’hui « disparu ».

3. George Hibbert (Vente Evans 1829, lot 812). Payne et Foss, libraires.

4. Beriah Botfield (1807-1863), politicien, botaniste et collectionneur

britannique, acheté à la librairie Payne & Foss, pour 45 livres

,

Printed

Books and Manuscripts from Longleat

, Vente Christie’s, 13 juin 2002,

n°9.

references :

BnF,

Catalogue des Incunables

, I, B-13 ; BMC I, 39 (IC. 303); Goff

B-20 ; CIBN B-13 (II); De Ricci, Mayence 90.97 et 90.71 (« exemplaires

disparus »).

Voir les travaux de P. Needham, en particulier Needham, P.

“Johann Gutenberg and the Catholicon Press”,

in

Papers of the

Bibliographical Society of America

, 76 (1982), pp. 395-456 et

l’ouvrage collectif

«

Zur Catholicon-Forschung

»

,

Wolfenbütteler

Notizen zur Buchgeschichte

, 13 (1988), en particulier P. Needham,

“The Catholicon Press of Johann Gutenberg: A Hidden Chapter in

the Invention of Printing”, pp. 199-230.

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