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les collections aristophil

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BOUSQUET JOË (1897-1950)

Deux lettres autographes signées

à Jean PAULHAN

L’une datée « Carcassonne. Samedi »,

8 pages in-8 à l’encre noire et bleue

sur papier vélin crème. (Manque le

début de la seconde lettre).

1 200 / 1 500 €

Très belles lettres de Joë Bousquet à Jean

Paulhan sur la littérature et sur son travail.

Joë Bousquet, poète français grièvement

blessé de guerre en 1918, entretint pendant les

trois décennies que dura sa vie littéraire, une

correspondance importante avec de grands

auteurs de l’époque dont Jean Paulhan.

Dans la première de ces deux lettres, datée

« Carcassonne. Samedi », il raconte à ce

dernier sa rencontre avec un photographe

qui a publié un livre sur Pétain. Bousquet a

pensé à lui pour réaliser des planches pho-

tographiques destinées à illustrer une édition

des œuvres du naturaliste aquitain du XVIII

e

siècle, Joseph Adrien Lelarge de Lignac.

Avec humour, le poète raconte d’abord

que l’on dit, dans le sud de la France, pour

évoquer les peines qui frappent les Fran-

çais soupçonnés de collaboration – ce qui

est le cas du photographe – condamnés à

« l’indignation nationale » au lieu « d’indignité

nationale ». Puis Bousquet évoque, avec

tout son talent littéraire, la surprise qu’il a

éprouvée, lorsqu’ayant expliqué à ce pho-

tographe que ses travaux seraient destinés à

illustrer ceux « d’un oratorien né à Poitiers »,

son interlocuteur, sans montrer le moindre

étonnement, lui a fait la démonstration de ses

connaissances généalogiques sur les grandes

familles d’Aquitaine : « Ce benêt qu’une opé-

ration obscure faisait soudain somnambuler

dans le XVIII

e

siècle de Poitiers ».

La seconde lettre développe quelques idées

et notions sur la « rhétorique politique »,

sujet qui intéressait alors Paulhan : « […]

la rhétorique est – au passage du latin

en français – spécifiquement poétique.

Nous ne sommes plus attachés à un art de

convaincre. Corneille Agrippa cite souvent

Aristote, c’est la tradition des avocats. Allons-

nous retrouver le problème de la foule et

de l’individu ? J’entends bien que l’état

actuel de ta dialectique t’autorise à négliger

ceci. Mais c’est la clef de la poésie que je

veux relire. J’ai à peine parcouru les lois

d’amour. Ne te laisse pas troubler par mon

trouble. Je vais fouiller ces volumes, qui me

permettront peut-être de donner à Ponge

un article curieux. […] Je vois la rhétorique

poétique comme une pieuvre, lançant ses

tentacules dans tous les désordres, erreurs,

inventions de la langue parlée, provoquant

toutes les libertés […] ».