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les collections aristophil
607
JACOB MAX (1876-1944)
Correspondance autographe adressée
à Paul ÉLUARD avec lettre de Paul ÉLUARD.
Saint-Benoît-sur-Loire, entre le 5 avril et le 24 décembre
1942, 11 lettres autographes signées, 18 pages ½ in-4 à
l’encre noire sur divers papiers, dont certains teintés. 2
feuillets sur papier quadrillé légèrement et uniformément
jaunis ; quelques lettres portent des traces d’ancien
montage sur onglet, de légères brunissures avec d’infimes
déchirures sur les bords. 1 lettre autographe signée de Paul
Éluard, datée « vendredi » [avril 1942], à l’encre noire sur
papier.
Tous les documents sont montés sur onglets et habillés
d’une reliure souple plein maroquin noir janséniste doublée
de nubuck rouille signée de Loutrel. Chemise bordée de
maroquin noir, plats recouverts d’un très beau papier de
création de Mme Braun. Etui de même.
10 000 / 12 000 €
Correspondance autographe avec Paul Éluard durant l’année 1942
incluant une superbe lettre d’Éluard.
Précieuse correspondance sur
la création littéraire et poétique.
« […] Vous êtes ce qu’il y a de plus rare : un homme nouveau qui
soit un homme pourtant. Car l’excentricité inhumaine pullule, « tous
les matins un fantaisiste naît » écrivait Flaubert. […] La plus fréquente
expression de la démonialité en littérature est : le charlatanisme et la
méchanceté. […] J’appelle charlatanisme le fait que le verbe s’avance
sans être soutenu par le sentiment ou l’esprit réel. Il y a charlatanisme
dans la manière de Mallarmé et des sous-Mallarmé habillant de givre
un manque d’idées poétiques et d’invention. C’est de l’enflure : le
charlatan existe chez tous les poètes et même il est une preuve de
désirs magnifiques, plus magnifiques que le poète lui-même – Désac-
cord – Je ne confonds pas enflure avec lyrisme ! au contraire ! il y
a lyrisme quand la sincérité accompagne le sublime comme chez
Apollinaire ou Pascal. Or chez vous l’impression et l’expression se
confondent : il n’y a pas un millionième de charlatanisme en vous.
[…] Et voilà pourquoi vous êtes homme et homme nouveau. Nouveau
parce que vous avez habillé la poésie à votre mode, ainsi que la
sensation, la philosophie et le sentiment humain. C’est le contraire
de l’orfèvrerie de tels de nos confrères (souvent excellents mais trop
ambitieux et satisfaits d’une beauté à la fois difficile et facile) […] De
très grands esprits dont vous êtes, je le crois, ont le droit de dire du
mal de tous les hommes : Byron, l’excédé, mais il n’est pas méchant
et Gœthe qui est encore moins méchant. En littérature, Homère !
Si je savais le latin je découvrirais peut-être que Virgile est à mettre
dans les rageurs secrets comme je mets Léonard de Vinci. Il est, on
dirait, impossible d’intérioriser sans une tentation de rage. Pourtant
il n’y pas de rage dans Molière, s’il y en a dans Gogol, pas trace de
rage dans Shakespeare, s’il y en a peut-être dans Dostoïevski (aussi
Shakespeare est-il plus grand). Il y a trop évidemment de la rage dans
Swift et pas de trace dans Sterne, ni dans ce doux Dickens. Balzac
est plein de rage ; il n’y a pas de méchanceté dans Verlaine mais
Lautréamont est un démon et Baudelaire aussi. Je ne confonds pas
du tout ironie avec méchanceté ; quant à l’humour c’est la bonté qui
ne veut pas médire et qui se décharge en souriant ».