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« Les Diableries de Chaumont sont-elles une histoire, un roman, une légende ? C’est un peu de tout cela. La diablerie
est un rêve mais un rêve qui a existé et dont on voyait encore les traces à la fin du siècle dernier. Tous les sept ans disent
les chroniqueurs de la Champagne douze hommes vêtus en diables, — si l’on sait comment s’habillent les diables mais
enfin couverts d’une cagoule noire et portant au front une immense paire de cornes, — accompagnaient la procession
du dimanche des Rameaux à laquelle ils figuraient pour honorer Dieu, se répandaient ensuite dans les campagnes
qu’ils avaient le droit de piller à cœur joie pour l’amour du diable. »
Cette coutume durait encore à la fin du XV
e
siècle. Louise Michel fait ici le récit de ce qui se passa le dimanche des
Rameaux de l’an 1584, sous le règne de « Sa Majesté Henri III, le roi de Grimacière »
.
Elle décrit les festivités, les
beuveries, les bourgeois faisant le siège de leurs propres maisons dans lesquelles se sont installés des bambocheurs, et
surtout l’attaque de la maison de la sorcière Riquette la Fouine par une bande d’écoliers emmenés par le poète Robin
Roger. Celui-ci employa la ruse pour parvenir à ses fins : il imita le miaulement d’un chat à l’agonie. Croyant qu’on tuait
son chat Gabriel, la sorcière sortit brusquement dans la rue et les écoliers en profitèrent pour se ruer à l’intérieur. Là, ils
découvrirent, en pleine digestion, trois maîtres de la collégiale saint Jean : Dom Didasco, professeur de philosophie,
Dom Upharpazon le trésorier, et Dom Spendo, maître en théologie, hermétique et théologie. Dom Didasco se leva et
essaya de prononcer quelques mots, mais… « Il n’en put dire davantage ; sa voix expira au milieu du rire foudroyant
des écoliers, rire tellement frénétique, que quelques-uns se roulaient par terre en hurlant. La vieille elle-même, oubliant
sa chute et les injures des écoliers, grinça des dents en souriant comme une chauve-souris qui boit du lait. »
Louise Michel a aussi évoqué cette vieille coutume des diableries de Chaumont dans ses
Mémoires
(Paris, F. Roy,
1886, t. I, chap. IV, p. 34-36), avec des variantes. Riquette la Fouine, par exemple, y apparaît sous le nom de Jeanne
Larousse. Elle cite ces
Diableries de Chaumont
à la fin de ses
Mémoires
(t. II, p. 319) parmi d’autres œuvres inédites :
« D’un grand nombre de manuscrits en prose,
le Livre d’Hermann
,
la Sagesse d’un fou
,
Littérature au crochet
,
les
Diableries de Chaumont
, etc. quelques fragments me restent également ; peut-être les réunirai-je un jour pour y
rechercher, comme dans les vers, les transformations de l’idée à travers la vie. »
On a relié à la suite deux
poèmes
autographes :
Extase
(1 p. in-4), 3 sixains : « Écoute, comme toi mon âme était
rêveuse / Et des songes du ciel la troupe radieuse / Devant moi balancée aux rayons du couchant / Dansait sous les
rameaux des ifs mélancoliques »… ; brouillon d’une dédicace en vers à Eugène
P
elletan
(1 page et quart in-8) : « Gloire
à celui qui vient dans nos luttes suprêmes / Apporter en tribut son courage et sa vie »…