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249. LÉGER (Fernand). L

ETTRE AUTOGRAPHE

SIGNÉE

À

L

ÉONCE

R

OSENBERG

, datée

Samedi 16 mars

[19]

18 - Hôpital

VL 40 Villepinte (S. et O.)

, 7 pages et demie in-12 (173 x 130 mm), sous chemise demi-maroquin bleu moderne.

2 000 / 3 000 €

J’

AI

L

INTENTION DE

FAIRE DES

TABLEAUX

TRÈS COMPLETS MAIS

À MA MANIÈRE QUI

NE

SERA

JAMAIS CELLE DES

AUTRES

.

L

ÉGER

EXPOSE

LES GRANDES

LIGNES DU

CONTRAT QU

IL

PROPOSE À

SON MARCHAND

.

Comme le peintre le précise dans son post-scriptum, il s’agit là d’une lettre

sans équivoque et nette

. En désaccord avec son marchand,

Léger défend avec une redoutable fermeté son œuvre et ses intérêts. Il réplique aux reproches de Rosenberg en lui

SOUMETTANT UN

VÉRITABLE CONTRAT

, qu’il transcrit minutieusement sur les dernières pages de sa lettre.

Votre lettre n° 20.252 me parvient ici où je suis un temps indéterminé en attendant ma réforme. Je suis plus mal fichu que je ne

croyais et l’on ne peut paraît-il me renvoyer chez moi que dans certaines conditions physiques. J’attends donc patiemment et comme

on refuse toute permission pour Paris j’ai le regret de ne pouvoir aller vous voir et d’être obligé de vous écrire. Ce qui a déterminé

ma dernière lettre

[…]

ce n’est pas uniquement votre avant-dernière, non, c’est l’impression que j’avais que vous vous étiez engagé

trop rapidement avec moi. (Demande de diminution de prix, objections sur facture, halte sur surproductions) (vous avez de moi

9 toiles en 4 mois) tout cela m’a fait croire à une précipitation de votre part... Vous comprenez bien que je ne suis nullement le

monsieur qui veut vous faire avaler sa peinture par surprise

[…]

n’oubliez pas que mon évolution quelle qu’elle soit ira toujours

vers une tendance forte et non décorative. J’ai l’intention de faire des tableaux très complets mais à ma manière qui ne sera jamais

celle des autres. Je n’ignore pas je vous l’ai écrit les nécessités commerciales nous sommes entendu la dessus

[…]

C’est d’un intérêt

commun. Tout ce qui a été convenu entre nous à ce point de vue aussi bien écrit qu’oral.

Je n’en déplace pas un mot ni une ligne

[…]

Je considère d’ailleurs nos conventions

actuelles comme exactement les mêmes

que celles d’un traité complet et j’agis

de même c’est-à-dire en évitant de

disperser d’une façon maladroite le peu

d’œuvres que vous laissez à ma

disposition. Je crois que je suis assez clair

— en tous cas je m’efforce de l’être

[…].

Il pense que, dans l’état actuel des choses,

le mieux est de

fixer sur papier nos

conventions que j’envisage comme suit et

que je vous propose.

Sur les pages suivantes, Léger établit les

bases de sa future collaboration avec le

marchand. Rosenberg aura

un droit

d’achat à première vue sur toute sa

production artistique pendant la durée

de la guerre

; est aussi prévu

un traité

de 3 années ferme et complet sur toute

la production

pendant ou après la

guerre. Le marchand s’engage en outre

à exposer toujours dans sa galerie

des

tableaux récents

, à

organiser à

l’étranger

[…]

au moins une exposition

annuelle

, et à faire dans le délai de 3 ans

une exposition générale et totale de

toutes les œuvres de M. Léger depuis

1896

[…]. Le peintre

se réserve un droit

absolu

d’illustrations

d’œuvres

littéraires et poétiques

, etc.

Voilà

,

conclut-il,

et je m’engage à signer cela

sur papier timbré demain si vous

voulez.

En post-scriptum (signé des

initiales), il lui demande une réponse

rapide, et ajoute :

Je m’organise ici

pour pouvoir peindre — le Médecin-

chef étant un homme charmant.

Je pense pouvoir.

L

ETTRE

PASSIONNANTE

DE

L

ÉGER

À

SON

MARCHAND

,

RARE DE CETTE ÉPOQUE

.

Correspondances, Fernand Léger, Léonce

Rosenberg, Correspondance 1917-1937,

Paris, Centre Georges Pompidou,

1996, p. 27

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