Previous Page  5 / 100 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 5 / 100 Next Page
Page Background

4XDQG PRQ S¨UH ©FULYDLW VHV P©PRLUHV LO OHV LQWLWXODLW l 8QH YLH SRXU OȓDUW { /D SOXSDUW GHV JHQV OH G©͆QLUDLHQW FRPPH XQ KLVWRULHQ RX XQ

psychologue de l’art. C’est vrai et concrètement, cela veut dire que sa passion était d’interpréter des images. Ma grand-mère me racontait

qu’enfant, il s’entraînait déjà à reconnaître au style les auteurs de dessins publiés dans les journaux et, je me souviens comment il m’expliquait,

TXDQG Mȓ©WDLV JDPLQ PRL PªPH OD FRPSRVLWLRQ GHV WDEOHDX[ MȓHQ VRUWDLV WRXW ͆HU GH SRXYRLU PRQ WRXU GLVWLQJXHU OH 9 RX OD S\UDPLGH TXL

ordonnaient le foisonnement des sujets et qui ouvraient une autre interprétation. Il avait l’intelligence contagieuse. Il n’y avait pas une œuvre

d’art - pas une fabrication humaine destinée à produire du beau - dont il était incapable de vous suggérer d’une part ce qu’elle avait

d’unique ou quelle était la quête de son auteur et d’autre part ce qu’elle devait à son époque, à ses croyances et à ses contraintes.

Ces images auxquelles il aimait donner du sens, il a voulu les étudier et les conserver en entrant très jeune au musée du Louvre. Con-

server a pris un sens très fort pendant la guerre puisqu’avec quelques autres, il a évacué, protégé les tableaux du Louvre en zone non

occupée et les a ramenés intacts après la victoire tout en étant dans la résistance. Histoire de l’art le jour, crapahut dangereux la nuit :

ce mélange romanesque a beaucoup plu à une jeune stagiaire blonde qui l’assistait. Né de leur union des années plus tard, je suis un

effet collatéral tardif des déménagements de la Joconde et du Radeau de la Méduse.

0RQ S¨UH GHYHQX SURIHVVHXU DX FROO¨JH GH )UDQFH QȓD FHVV© GH U©͇©FKLU VXU OD SODFH HW OH ODQJDJH GHV LPDJHV FKDLUH GH SV\FKRORJLH

des arts plastiques) ; il a beaucoup écrit sur le sujet et les honneurs qu’il a reçus, comme l’Académie française ou le prix Érasme sont liée

à cette activité de théoricien et de pédagogue.

Mais il y avait les œuvres dont il parlait et celles avec lesquelles il vivait. Les objets qui vont être exposés à Drouot ont été l’environnement

de sa vie. Et c’est un milieu où il s’exprimait pas moins que dans ses livres : habiter, aimer et dire étaient inséparables. L’appartement de la rue

&RUQHLOOH R¹ LO D Y©FX MXVTXȓ VD PRUW ©WDLW XQ G©FRU TXL ͇LUWDLW SDUIRLV DYHF OH WK©¢WUDO FRORQQHV PLURLUV ERLV GRU©V HIIHWV GH SHUVSHFWLYH (W

aucun visiteur ne pouvait résister à le comparer à un musée. Mon père avait même conçu des meubles qu’exécutait un génial menuisier friou-

lan dans les années 60 : ils s’amusaient comme des fous. D’ailleurs dans ce décor il y avait beaucoup d’allusions à Venise une autre grande

passion paternelle. Beaucoup de portraits aussi. Des objets archéologiques. Des objets dorés, des objets dépouillés. René Huyghe n’était

pas le cousin Pons et collection ne rimait pas pour lui avec accumulation ou compensation simplement, il aimait voir et faire parler les choses.

C’était un environnement matériel et spirituel totalement hors de ce monde.

Après la mort de ma mère - la stagiaire blonde romanesque - les nécessités de la vie font que ces œuvres doivent devenir des marchan-

dises. On peut le présenter autrement : elles sont maintenant offertes à votre interprétation. À votre jugement et à vos attirances. Mon père,

l’homme qui aimait expliquer, était un grand ironiste - vous ai-je dit que c’était le type le plus drôle que j’aie rencontré ? -. Je pense qu’il sourit

maintenant de la vanité des choses possédées, mais cela ne doit pas vous décourager de les posséder et de les interpréter à votre tour.

François-Bernard Huyghe