184
185
avec les révolutionnaires ;
elle ne voulait pas donner
écho aux malheurs d’un
monarque. Cléry s’en fut
alors à Blankenburg, en
Allemagne, pour lire ce
manuscrit et l’offrir au
comte de Provence : “Étant
parti de Vienne pour me
rendre en Angleterre, je
passai à Blankembourg
dans l’intention de faire
hommage au Roi de mon
manuscrit”. C’est la mention
qui clôt l’édition originale
du livre en 1798. Il le lut le
21 janvier 1798 au frère de
Louis XVI qui, bouleversé,
ajouta de sa main le vers
de Virgile sur la page du
titre du présent manuscrit,
donnant ainsi à Cléry une
sorte d’
imprimatur
royal.
L’un des textes majeurs de
l’histoire de France était né.
Le manuscrit demeura dans
la famille jusqu’en 1896 où,
à la faveur de l’extinction
d’une branche des héritiers
de Cléry, il passa en vente
à Rouen. P. Le Verdier eut
alors accès à la totalité des
souvenirs familiaux et put dans un article de la
Revue des Questions historiques
éclaircir
la
genèse de ce texte majeur.
Le fidèle Cléry était enfermé avec son maître. L’usage des crayons et du papier leur fut assez
vite retiré. Il ne pouvait donc rédiger que des notules. Elles constituent ce que l’on appelle le
“manuscrit brouillon” (Le Verdier, p. 275). Ce manuscrit est fragmentaire. Dès 1896, Le Verdier
écrivait : “il n’en reste plus que quelques cahiers”. À la fin de 1795, Cléry résidait à Strasbourg
chez une certaine Mlle Kugler. Elle “lui fit passer à Vienne une copie qu’elle transcrivit sur de
minces feuilles de papier” ; ce manuscrit est appelé en 1896 le “Livre-journal de Cléry”. Il était tout
aussi fragmentaire que sa matrice. Il servit de support au présent “manuscrit au net” que Cléry
composa et acheva à Vienne. À la fin de l’automne 1796, il le soumit à la Chancellerie impériale
puis au comte de Provence. Ce manuscrit et le succès du livre contribuèrent à donner aux derniers
Bourbon la légitimité du malheur.
RÉFÉRENCES : P. Le Verdier, “Les reliques de la famille royale et les descendants de Cléry”,
Revue des
Questions historiques
, Paris, juil. 1896, pp. 264-280 -- H. Becquet,
Marie-Thérèse de France. L’orpheline du
Temple
, Paris, Perrin, 2012
30.000 - 50.000 €
AUTOGRAPHES DE CLÉRY. L’édition originale de 1798 en a tenu compte et en suit très exactement le
texte, à part quelques passages restés inédits ou de légères variantes.
CORRECTIONS AUTOGRAPHES DE CLÉRY : elles sont très nombreuses et se distinguent des
corrections que le copiste a lui-même portées. Nous ne donnerons ici d’abord que quelques numéros de
page où ces corrections de Cléry figurent, rétablissant le texte primitif oublié par le copiste ou ajoutant
quelques mots à ce texte : pp. 3, 5, 6, 7, 10, 11, 13, 16, 18, 20, 21, 30, 31, 37, 38, 48, 53, 66, 67, 69, 70, 80, 104,
114, 117, 124, 125, 126, 127, 131
IMPORTANTES ET PRINCIPALES ADDITIONS AUTOGRAPHES DE CLÉRY :
p. 32 : c’est la plus importante des additions, elle a trait au programme d’éducation et aux lectures des
Enfants royaux. Ils ne correspondent pas à ce que la Convention souhaite. Il s’agit de deux longs béquets
et d’une correction représentant PLUS DE 31 LIGNES DE TEXTE. Cléry est revenu sur le texte primitif
p. 50 : addition de 12 lignes
p. 56 : addition d’une note de bas de page
p. 75 : plusieurs lignes sur le Dauphin. Il reconnaît l’un des gendarmes qui les avait identifiés à Varennes :
“c’est lui dit-il à voix basse [à la Reine], dans notre Voyage de Varennes”
p. 81 : touchante anecdote INÉDITE CAR NON REPORTÉE dans l’édition originale, à propos d’une
partie d’échecs entre le Roi et Madame Élisabeth : “Prenez garde, ma Sœur, lui dit sa Majesté, votre Roi
va se trouver enfermé. Je n’ai pas à craindre un pareil coup de votre part, lui répondit-elle, vous êtes trop
bon françois pour cela”
p. 103 : quelques mots sur le procédé de correspondance secrète par les fenêtres, entre la Reine et Louis XVI
p. 133 : quelques lignes
AVEC
UNE
TRÈS
PRÉCIEUSE
ADDITION
AUTOGRAPHE DE LA MAIN DU COMTE DE
PROVENCE, FUTUR LOUIS XVIII, SUR LA PAGE
DE TITRE : ce vers de Virgile, tiré de l’
Énéide
(II, 12),
lorsque Énée dit à Didon :
Animus meminisse horret...
Virg
(soit : “mon âme tremble d’horreur à ce souvenir”).
Comme Michaud l’atteste dans l’article
Cléry
de sa
Biographie universelle
: “ce fut ce Prince [Louis XVIII]
qui écrivit sur le manuscrit l’épigraphe :
Animus meminisse horret
”
MENTIONS manuscrites de la chancellerie de Vienne. La première en allemand sur la page de titre datée
du 9 novembre 1797. La seconde à la fin du dernier cahier, que l’on peut traduire ainsi : “L’impression de
ce manuscrit ne peut être permise ni à Vienne ni dans les états héréditaires, ni même dans les endroits
dépendants de ces états, où il se trouverait des imprimeries. Cependant l’auteur est libre de le faire
imprimer hors les états autrichiens. Vienne, ce 30 novembre 1797. Signé : Oliva.
Manu propria
”
NOTE manuscrite par un notaire sur la page de titre du premier cahier ATTESTANT EN 1896 LA
PROVENANCE CLÉRY : “Inventaire dressé après le décès de Mme Vve Le Besnier née de Gaillard, dite
Cléry de Gaillard, par Me Carré, notaire à Rouen, le treize février mil huit cent quatre vingt seize. Cote
première. Pièce unique”
PIÈCE JOINTE : portait gravé de Cléry d’après le tableau de Danloux
Le manuscrit a été placé dans une chemise de papier marbré puis dans une boîte de maroquin à grain long
orné d’un décor doré d’inspiration néo-classique
PROVENANCE : Jean-Baptiste Cléry -- Mme Édouard de Gaillard, née Cléry -- Mme Le Besnier, sa fille,
d’où la vente de 1896 -- acquis en 1972 par André Tissot-Dupont
Le
Journal
de Cléry est l’un des textes les plus foudroyants de la littérature révolutionnaire.
Il met en scène avec une grande sobriété de style un moment tragique de l’histoire de France
qui court de la prise des Tuileries le 10 août 1792 au 21 janvier 1793. Le
Journal
constitue une
source irremplaçable sur le procès du Roi. Le livre connut un succès éclatant. Le tirage à 6000
exemplaires de l’édition originale fut vendu en trois jours. L’ouvrage fut sept fois réédité en
français la même année, traduit en anglais et en italien.
Jean-Baptiste Cléry, après la mort du Roi le 21 janvier 1793, ne fut définitivement libéré qu’avec
Thermidor, le 27 juillet 1794. Madame Royale, seule survivante, quitta la prison du Temple en
décembre 1795 pour être échangée et envoyée à Vienne. C’est là que Cléry la rejoint. Il lui lut
son
Journal
et chercha à publier dans la capitale des Habsbourg ce présent “manuscrit au net”.
En atteste la mention de refus du censeur impérial le 30 novembre 1797. La Cour de Vienne
n’éprouvait aucune sympathie pour les Français exilés puisqu’elle signait en même temps la paix