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avec les révolutionnaires ;

elle ne voulait pas donner

écho aux malheurs d’un

monarque. Cléry s’en fut

alors à Blankenburg, en

Allemagne, pour lire ce

manuscrit et l’offrir au

comte de Provence : “Étant

parti de Vienne pour me

rendre en Angleterre, je

passai à Blankembourg

dans l’intention de faire

hommage au Roi de mon

manuscrit”. C’est la mention

qui clôt l’édition originale

du livre en 1798. Il le lut le

21 janvier 1798 au frère de

Louis XVI qui, bouleversé,

ajouta de sa main le vers

de Virgile sur la page du

titre du présent manuscrit,

donnant ainsi à Cléry une

sorte d’

imprimatur

royal.

L’un des textes majeurs de

l’histoire de France était né.

Le manuscrit demeura dans

la famille jusqu’en 1896 où,

à la faveur de l’extinction

d’une branche des héritiers

de Cléry, il passa en vente

à Rouen. P. Le Verdier eut

alors accès à la totalité des

souvenirs familiaux et put dans un article de la

Revue des Questions historiques

éclaircir

la

genèse de ce texte majeur.

Le fidèle Cléry était enfermé avec son maître. L’usage des crayons et du papier leur fut assez

vite retiré. Il ne pouvait donc rédiger que des notules. Elles constituent ce que l’on appelle le

“manuscrit brouillon” (Le Verdier, p. 275). Ce manuscrit est fragmentaire. Dès 1896, Le Verdier

écrivait : “il n’en reste plus que quelques cahiers”. À la fin de 1795, Cléry résidait à Strasbourg

chez une certaine Mlle Kugler. Elle “lui fit passer à Vienne une copie qu’elle transcrivit sur de

minces feuilles de papier” ; ce manuscrit est appelé en 1896 le “Livre-journal de Cléry”. Il était tout

aussi fragmentaire que sa matrice. Il servit de support au présent “manuscrit au net” que Cléry

composa et acheva à Vienne. À la fin de l’automne 1796, il le soumit à la Chancellerie impériale

puis au comte de Provence. Ce manuscrit et le succès du livre contribuèrent à donner aux derniers

Bourbon la légitimité du malheur.

RÉFÉRENCES : P. Le Verdier, “Les reliques de la famille royale et les descendants de Cléry”,

Revue des

Questions historiques

, Paris, juil. 1896, pp. 264-280 -- H. Becquet,

Marie-Thérèse de France. L’orpheline du

Temple

, Paris, Perrin, 2012

30.000 - 50.000 €

AUTOGRAPHES DE CLÉRY. L’édition originale de 1798 en a tenu compte et en suit très exactement le

texte, à part quelques passages restés inédits ou de légères variantes.

CORRECTIONS AUTOGRAPHES DE CLÉRY : elles sont très nombreuses et se distinguent des

corrections que le copiste a lui-même portées. Nous ne donnerons ici d’abord que quelques numéros de

page où ces corrections de Cléry figurent, rétablissant le texte primitif oublié par le copiste ou ajoutant

quelques mots à ce texte : pp. 3, 5, 6, 7, 10, 11, 13, 16, 18, 20, 21, 30, 31, 37, 38, 48, 53, 66, 67, 69, 70, 80, 104,

114, 117, 124, 125, 126, 127, 131

IMPORTANTES ET PRINCIPALES ADDITIONS AUTOGRAPHES DE CLÉRY :

p. 32 : c’est la plus importante des additions, elle a trait au programme d’éducation et aux lectures des

Enfants royaux. Ils ne correspondent pas à ce que la Convention souhaite. Il s’agit de deux longs béquets

et d’une correction représentant PLUS DE 31 LIGNES DE TEXTE. Cléry est revenu sur le texte primitif

p. 50 : addition de 12 lignes

p. 56 : addition d’une note de bas de page

p. 75 : plusieurs lignes sur le Dauphin. Il reconnaît l’un des gendarmes qui les avait identifiés à Varennes :

“c’est lui dit-il à voix basse [à la Reine], dans notre Voyage de Varennes”

p. 81 : touchante anecdote INÉDITE CAR NON REPORTÉE dans l’édition originale, à propos d’une

partie d’échecs entre le Roi et Madame Élisabeth : “Prenez garde, ma Sœur, lui dit sa Majesté, votre Roi

va se trouver enfermé. Je n’ai pas à craindre un pareil coup de votre part, lui répondit-elle, vous êtes trop

bon françois pour cela”

p. 103 : quelques mots sur le procédé de correspondance secrète par les fenêtres, entre la Reine et Louis XVI

p. 133 : quelques lignes

AVEC

UNE

TRÈS

PRÉCIEUSE

ADDITION

AUTOGRAPHE DE LA MAIN DU COMTE DE

PROVENCE, FUTUR LOUIS XVIII, SUR LA PAGE

DE TITRE : ce vers de Virgile, tiré de l’

Énéide

(II, 12),

lorsque Énée dit à Didon :

Animus meminisse horret...

Virg

(soit : “mon âme tremble d’horreur à ce souvenir”).

Comme Michaud l’atteste dans l’article

Cléry

de sa

Biographie universelle

 : “ce fut ce Prince [Louis XVIII]

qui écrivit sur le manuscrit l’épigraphe :

Animus meminisse horret

MENTIONS manuscrites de la chancellerie de Vienne. La première en allemand sur la page de titre datée

du 9 novembre 1797. La seconde à la fin du dernier cahier, que l’on peut traduire ainsi : “L’impression de

ce manuscrit ne peut être permise ni à Vienne ni dans les états héréditaires, ni même dans les endroits

dépendants de ces états, où il se trouverait des imprimeries. Cependant l’auteur est libre de le faire

imprimer hors les états autrichiens. Vienne, ce 30 novembre 1797. Signé : Oliva.

Manu propria

NOTE manuscrite par un notaire sur la page de titre du premier cahier ATTESTANT EN 1896 LA

PROVENANCE CLÉRY : “Inventaire dressé après le décès de Mme Vve Le Besnier née de Gaillard, dite

Cléry de Gaillard, par Me Carré, notaire à Rouen, le treize février mil huit cent quatre vingt seize. Cote

première. Pièce unique”

PIÈCE JOINTE : portait gravé de Cléry d’après le tableau de Danloux

Le manuscrit a été placé dans une chemise de papier marbré puis dans une boîte de maroquin à grain long

orné d’un décor doré d’inspiration néo-classique

PROVENANCE : Jean-Baptiste Cléry -- Mme Édouard de Gaillard, née Cléry -- Mme Le Besnier, sa fille,

d’où la vente de 1896 -- acquis en 1972 par André Tissot-Dupont

Le

Journal

de Cléry est l’un des textes les plus foudroyants de la littérature révolutionnaire.

Il met en scène avec une grande sobriété de style un moment tragique de l’histoire de France

qui court de la prise des Tuileries le 10 août 1792 au 21 janvier 1793. Le

Journal

constitue une

source irremplaçable sur le procès du Roi. Le livre connut un succès éclatant. Le tirage à 6000

exemplaires de l’édition originale fut vendu en trois jours. L’ouvrage fut sept fois réédité en

français la même année, traduit en anglais et en italien.

Jean-Baptiste Cléry, après la mort du Roi le 21 janvier 1793, ne fut définitivement libéré qu’avec

Thermidor, le 27 juillet 1794. Madame Royale, seule survivante, quitta la prison du Temple en

décembre 1795 pour être échangée et envoyée à Vienne. C’est là que Cléry la rejoint. Il lui lut

son

Journal

et chercha à publier dans la capitale des Habsbourg ce présent “manuscrit au net”.

En atteste la mention de refus du censeur impérial le 30 novembre 1797. La Cour de Vienne

n’éprouvait aucune sympathie pour les Français exilés puisqu’elle signait en même temps la paix