5
Présentation
Ami lecteur, tu n’ouvres point ici un
catalogue
. Si la Providence nous donna de glaner de-ci de-là, dans le champ de
l’art et de l’histoire russes, tant d’objets si divers & si rares qui nous ont été confiés pour l’exposition et la vente,
ce n’était point assurément pour que nous nous contentassions de les aligner à la queue-leu-leu dans un catalogue
lambda comme s’il s’agissait d’encamionner des moutons pour les mener à l’abattoir. Non. Car ces œuvres, une fois
réunies dans ce livre comme fleurs dans la vasque de Tchistovsky (n°
267)
, vont tisser entre elles les mystérieuses
correspondances qui feront apparaître à tes yeux, pour peu que tu y consacres du temps et y prennes de l’intérêt, des
traits que tu reconnaîtras d’instinct. De même qu’un petit nombre de notes peut raviver en notre âme le souvenir
assoupi de toute une symphonie, ainsi ces quelques objets, qui ne sont que les humbles miettes du grand festin de
l’art russe, tendent entre eux la
véronique
où se révèlera pour toi le visage éternel de la Russie.
Ainsi, cher lecteur, en tournant ces pages, c’est un peu de la Russie qui se dévoilera à toi, sous différents aspects :
la
->ÌiÊ,ÕÃÃiÊ
(pour employer une antique expression qu’aucune autre nation ne s’est jamais attribuée, même pas
la France qui pourtant ne l’eût pas moins mérité) : ce sont une presque cinquantaine d’icônes que nous te dévoilons
d’emblée, et qui rendent présents le Seigneur transfiguré, la sainte Vierge
Theotokos
, saint Michel, saint Georges,
saint Nicolas, saint Nikita ... Parmi elles, une paire d’icônes datant de la fin du XVI
e
siècle (ou du début du XVII
e
)
(n°
18
), une autre paire peinte au XIX
e
siècle dans le fameux centre artistique de Palekh (n°
30
), et pour finir une
Vierge consolatrice des Affligés
, d’une grande finesse (n°
48
).
la
,ÕÃÃiÊÃÕÛiÀ>i
: depuis Pierre le Grand jusqu’à Nicolas II, ces empereurs & impératrices dont la présence
tutélaire traverse toujours nos cieux, te rappellent que ce ne sont pas les peuples qui font les souverains, mais les
souverains qui font les peuples (n°
72
à
130
). Au-dessus de la grande diversité des nations qui ont constitué l’Empire
russe, il fallait bien qu’il y eût un souverain qui fût le principe de cette unité politique et qui ne dépendît point d’un
quelconque mandat ou représentation.
la
,ÕÃÃiÊÌiÀÀLiÊEÊ«>VwµÕi]Ê>}>iÊEÊÛVLi
: terrible dans la guerre & magnanime dans la victoire,
tel fut Alexandre qui, une fois entré victorieux dans Paris (n°
94
), se comporta non en conquérant mais en ami de
la France ; qui fit célébrer la Pâque sur les lieux mêmes où fut assassiné notre roi Louis XVI (n°
98
) ; qui demanda
une nouvelle fois à Louis-Marie Guichard, son sculpteur favori qu’il avait connu à Saint Pétersbourg, de tailler son
portrait dans le marbre (n°
104
). Ce buste, dont le souvenir-même s’était perdu et qui vient d’être redécouvert, est
aujourd’hui révélé au public pour la première fois depuis deux siècles.
Pacifiques par tempérament (comme le révèlent les instructions du ministre Nesselrode au comte Stroganoff, n°
136
),
mais invincibles par leur inflexible courage, tels furent le peuple & les armées russes, qui montrèrent à l’univers les
plus hautes vertus de ténacité et de résistance lors de la défense héroïque de la Crimée russe (siège de Sébastopol en
1854
, n°
140
), ou plus proche de nous lors des neuf cents jours du siège de Léningrad durant lequel, pour n’avoir
point consenti à se rendre, périrent de faim et de froid plus d’un million d’hommes, de femmes, d’enfants.
la
,ÕÃÃiÊ}jjÀiÕÃi
: c’est Catherine II qui en
1792
donne des terres sur le bord de la Mer Noire, pour que les
chrétiens persécutés puissent s’y installer et y vivre en paix (n°
79
) ; c’est Nicolas
I
er
qui offre une bague en or
à Edward Dickerson (n°
110
) et à Samuel Colt qui venaient de lui faire présent d’une paire de pistolets ; c’est
Nicolas II qui, par pure fidélité à l’alliance franco-russe, envoie des troupes combattre aux côtés de la France contre
l’Allemagne (n°
142
). Plus que l’épisode pittoresque, mais très circonscrit en réalité, des «taxis de la Marne», il ne
faut pas que tu oublies que c’est la Russie qui, en fixant contre elle une bonne partie de l’armée allemande, a ôté à
l’ennemi les forces qui lui eussent permis de percer le front français sur la Marne et de s’emparer de Paris.
la
,ÕÃÃiÊ ÌÕÕÌÕiÕÃiÊ EÊ iÕÀÌÀi
: un tapuscrit de V. Maklaloff, ministre de la Justice du gouvernement
provisoire de
1917
, sur l’histoire de la révolution de Février (n°
145
) ; le portrait d’un capitaine de Cosaques de
l’Armée blanche, exilé à Paris (n°
149
) ; des caricatures relatives au capitalisme oppresseur (n°
330
), aux Occidentaux
qui sous prétexte de paix fomentent à la guerre (n°
321
), ou encore à Lénine (n°
327
) ; les affiches de propagande
(n°
331
-
337
) ; le grand projet des villes socialistes, curieusement illustré (prémonition ?) par un grand soleil noir
(n°
329
).




