Binoche & Giquello / Sotheby's - BIBLIOTHÈQUE R. ET B. L. - page 194

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161. [RADIGUET (Raymond)]. – COCTEAU (Jean). P
RÉFACE AU
B
AL DU
C
OMTE D
’O
RGEL
. Manuscrit
autographe signé, s.d. [1924], 6 pages in-4 écrites à l’encre brune, au recto seulement, ratures et
corrections, sous chemise demi-maroquin moderne.
6 000 / 8 000
B
EAU MANUSCRIT DE LA CÉLÈBRE PRÉFACE AU
Bal du comte d'Orgel
.
Mort à vingt ans, en 1923, Radiguet laissait un roman inédit,
Le Bal du comte d'Orgel
, que ses amis, dont
Cocteau, firent publier chez Grasset en 1924. Le livre s'ouvrait par une préface de Cocteau (parue juste avant
dans
Les Nouvelles littéraires
du 28 juin 1924), qui deviendra célèbre et dont nous avons ici le manuscrit de
premier jet. Manuscrit très émouvant, car écrit sous le coup de la mort de Radiguet. Il donne un premier état
du texte : certains passages de l'imprimé ne s'y trouvent pas encore, tandis que d'autres sont par contre
RESTÉS
INÉDITS
. Cocteau a notamment supprimé une phrase sur le délabrement final de Radiguet (
Depuis quatre mois,
un vagabond souhaitait guérir sa longue fatigue, traînée de chambre d'hôtel en chambre d'hôtel
), et un détail
sur son agonie, qui attestait leur intimité
… il considérait ses mains, il me touchait les cheveux
. Cependant, ce
manuscrit est, soulignons-le, absolument complet, Cocteau se bornant par la suite à ajouter quelques passages,
modifier certaines phrases, et inclure les trois notes de Radiguet dans un post-scriptum.
Ce très beau texte est, en quelque sorte, la nécrologie d'un ami disparu trop tôt, que Cocteau avait
profondément aimé et qui le fascina.
Raymond Radiguet est né le 18 juin 1903 ; il est mort, sans le savoir, le
12 décembre 1923, après une vie miraculeuse. N’accusez pas le destin. Ne parlez pas d’injustice. Il était de la
race grave dont l’âge se déroule autrement.
Mais, souligne Cocteau, Radiguet
donne une dernière leçon de
savoir-vivre ; il meurt au plus bel âge, pour vivre mieux.
Il sentait bien qu'il allait mourir :
Il classait, il
recopiait. Et même, la mort m'éclaire son désordre fou : il fallait y voir l'enchevêtrement d'une machine qui
taille le cristal… Raymond Radiguet change de forme.
Dans un passage très poignant, Cocteau rapporte sa
dernière rencontre avec Radiguet, terrassé par la typhoïde :
Ecoutez, me dit-il le 9 décembre, écoutez une chose
terrible. Dans trois jours - approchez-vous - dans trois jours je vais être fusillé par les soldats de Dieu. Comme
j’étouffais de larmes, que j’inventais des renseignements contradictoires : Vos renseignements, continua-t-il,
sont moins bons que les miens.
L'
ORDRE EST DONNÉ
. J'ai entendu l'ordre.
Plus tard, il dit encore :
Il y a une
couleur qui se promène et des gens cachés dans cette couleur…
Cocteau décrit ensuite l’agonie de son ami.
Il
laisse trois volumes. Un recueil de poésies qui est une voix d’ange, L
E
D
IABLE AU CORPS
, chef d’œuvre de
promesses, et les promesses tenues : L
E
B
AL DU COMTE D
’O
RGEL
. Cet ouvrage, il en reçut les épreuves, déjà
malade. Il se proposait de ne faire aucune retouche. Il cherchait le négligé de la véritable élégance. Un tel
négligé résulte d'un incroyable travail. On serait donc irrespectueux d'y mêler la mort…
Après avoir évoqué
les autres œuvres de Radiguet, il termine par la phrase célèbre :
Le seul honneur que je réclame est d'avoir
donné pendant sa vie à Raymond Radiguet, la place illustre que lui vaudra sa mort.
Les 3 premières pages, comportant de nombreuses ratures et corrections, sont constituées par la préface,
signée. Suivent 3 pages de notes très denses, véritable transcription par Cocteau des notes littéraires laissées
par Radiguet. Dans celle intitulée
Notes. Septembre 1920. 10 heures du matin. Vendredi,
Radiguet évoque les
enfants prodiges : …
L'âge n'est rien. C'est l'œuvre de Rimbaud et non l'âge auquel il l'écrivit qui m'étonne.
Tous les grands poètes ont écrit à dix sept ans. Les plus grands sont ceux qui parviennent à le faire oublier
Dans celle titrée
A propos du Diable au corps,
Radiguet écarte toute intention autobiographique :
On a voulu
voir en mon livre des confessions. Quelle erreur ! Mais tous les prêtres connaissent bien ce mécanisme de
l'âme
…,
de fausses confessions, celles où l'on se charge de méfaits non commis, par orgueil…
Et enfin,
Le Bal
d'Orgel - roman où c'est la psychologie qui est romanesque.
Roman d'amour chaste aussi scabreux que le
roman le moins chaste
… Ces trois notes se retrouvent intégralement dans l'imprimé, en post-scriptum à la
préface.
P
RÉCIEUX MANUSCRIT
, d'un grand intérêt littéraire.
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