Cette collection de plus de 1 500 lettres et documents, la plus importante consacrée aux
femmes, restera à coup sûr un événement marquant, après la parution récente du monumental
Dictionnaire universel des créatrices
(Éditions des Femmes).
Déjà, sans remonter à Boccace ou Brantôme et leurs vies de « dames illustres », Louis
Prudhomme avait publié en 1830 une
Biographie universelle et historique des femmes célèbres, mortes
ou vivantes, qui se sont fait remarquer dans toutes les nations
, en 4 volumes, qui sera suivie de bien
d’autres dictionnaires ou répertoires de femmes célèbres. Pourtant, Hortense Mancini n’écrivait-elle
pas en tête de ses
Mémoires
(1675) : « Je sçay que la gloire d’une femme consiste à ne faire point
parler d’elle ». Et Mme Catriona Seth cite, en tête de
La Fabrique de l’intime
, sa belle anthologie de
« mémoires et journaux intimes de femmes du XVIIIe siècle » (Robert Laffont, Bouquins, 2013), ces
lignes de Mme de Genlis qui explicitent le propos d’Hortense Mancini : «
Il a fait parler de lui
, est
toujours un éloge, cela veut dire qu’un homme s’est distingué par ses talents ou par ses actions.
Elle
a fait parler d’elle
, est toujours un blâme… Cette phrase signifie que la conduite d’une femme n’est
pas irrépréhensible !... Il est donc évident que, pour nous, la véritable gloire ne sera jamais dans la
célébrité ! » (
Souvenirs de Félicie L***
). Cette collection, qui peut apparaître comme un « Panthéon des
femmes » (pour reprendre le titre du livre d’Achille Poincelot en 1854), au risque de démentir Mme
de Genlis, est aussi un hymne à la femme, « l’être le plus parfait entre les créatures » selon Balzac.
La première collection d’autographes sur le thème des femmes fut vendue le 10 février
1877 ; en tête de ce
Catalogue d’une curieuse collection de lettres autographes de femmes célèbres
principalement des XVII
e
et XVIII
e
siècles citées dans Mme de Sévigné, Tallemant des Réaux, Mme
de Motteville, Saint-Simon, Barbier et autres mémoires du temps, composant le cabinet d’un ancien
amateur
… (215 numéros, suivi le 26 mai de son pendant masculin), Gabriel Charavay écrivait : « La
collection d’autographes décrite dans ce catalogue est unique en son genre. L’amateur qui l’a formée
est le premier qui ait eu l’idée d’une galerie autographique spéciale de femmes célèbres. Cette idée,
aussi originale que piquante, ne sera pas perdue : elle mérite d’être reprise et continuée sur une
plus grande échelle ; car ici nous ne sommes point en présence d’une collection complète, mais
d’un simple canevas, qui peut être rempli suivant le goût ou le caprice du collectionneur. Il n’y a
pas, croyons-nous, de série plus faite pour devenir à la mode que celle-là, par la raison toute simple
qu’elle restitue à la plus belle partie du genre humain la place qui lui est due ».
Un an plus tard, son neveu Étienne Charavay organise, le 13 juillet 1878, une vente sur le
même sujet ; le
Catalogue d’une importante collection de lettres autographes de femmes célèbres
compte
186 numéros : Sophie Arnould, Lucrèce Borgia, Mme du Châtelet, Marie et Anne de Gonzague,
Isabelle la Catholique, Mme de La Fayette, Renée de France, Mme Roland, Mlle de Scudéry, etc.
L’importante collection de Benjamin Fillon, dont les ventes commencent en février 1877
(jusqu’en 1883), est divisée en 15 séries, mais aucune pour les femmes, qui sont classées parmi les
hommes d’État, les écrivains, ou encore dans la 15
e
série « Divers ». Au même moment, la collection
d’Alfred Sensier (11-13 février 1878) comprend une 10
e
série sur les « Femmes », d’une vingtaine de
pièces. Un peu plus tard, la cinquième série de la collection d’Augustin-Pierre Dubrunfaut, « l’une des
plus nombreuses qu’ait formées un particulier » (Maurice Tourneux), dispersée de 1883 à 1890 en une
vingtaine de ventes, est toute consacrée aux « Femmes célèbres » (30 juin 1884, 198 numéros).
La dixième et dernière série de la grande collection d’Alfred Bovet (vendue en 1884-1885),
sur les « Femmes », compte une centaine de numéros, ainsi présentés par Étienne Charavay : « C’est
par cette suite merveilleuse que se termine la collection de M. Alfred Bovet. On ne saurait être
plus galant et plus délicat. Bouquet éblouissant où brillent de nouveau toutes celles qui ont charmé
l’humanité par leur beauté, leur esprit, leur talent ou leur vertu »…
Par la suite, de nombreuses ventes ou collections comprendront une section féminine,
comme la collection de Mme G. Whitney Hoff en 1934, où les « Femmes célèbres » côtoient bien
d’autres femmes rangées parmi les souverains, les princes et princesses, le théâtre, etc.
Il convient cependant de mentionner Marcel Plantevignes (1889-1969), qui rassembla, à côté
d’une belle collection d’autographes autour des Mémoires de Saint-Simon, une
Précieuse Collection
d’autographes de femmes célèbres
, vendue anonymement à Versailles le 8 mars 1977, et cataloguée
par Michel Castaing (185 numéros). Une collection de femmes formée par celui qui aurait fourni à
Proust le titre d’
À l’ombre des jeunes filles en fleurs
!