ce que l’on
PEUT
, mais en
ne faisant que ce qui est
BIEN
et que
vous reconnoitrez pour tel
» (1810). La
marquise de La Ferté-Imbault interdit fermement à d’Alembert de venir voir sa mère Mme Geoffrin
mourante : « elle a bien plus aimé Dieu, qu’elle ne vous a jamais aimé » (1776) ; la comtesse de
Boufflers raconte avec émotion les derniers instants de la duchesse d’Orléans (1759), et Ève Curie la
maladie et la mort de sa mère Marie Curie (1934)…
Outre les deuils, de cruelles épreuves frappent parfois nos héroïnes : les soucis financiers
et ceux de la vie quotidienne, la misère, la maladie, les guerres, la prison ou l’exil, la guillotine à
l’heure de la Révolution…
On notera ici un grand nombre de religieuses, escortées par deux Saintes, Jeanne de France
et Jeanne de Chantal ; si c’est le sort de bien des cadettes des grandes familles d’être mises au
couvent, c’est de son plein gré que la dernière fille de Louis XV, Louise-Marie, se retire au Carmel
de Saint-Denis, où elle tient, comme « petitte fille de St Louis », à rassembler les reliques de la Sainte-
Chapelle, menacée de démolition (1787). Le jansénisme de Port-Royal est représenté par deux filles
de la famille Arnauld. Rares et remarquables sont les justifications de Madame Guyon, répondant
aux condamnations du quiétisme par Bossuet (1695). Mme de Maintenon veut obtenir la conversion
au catholicisme de sa famille protestante : « si Dieu conserve le Roy il ny aura pas un huguenot dans
vingt ans » (1681). La pieuse Charlotte Corday raconte à une cousine la conversion de Sainte Aglaé
et le martyre de Saint Boniface (1788). Citons encore le précieux cahier de méditations, véritable
journal spirituel, de la comédienne Ève Lavallière, convertie et devenue franciscaine tertiaire (1920).
Malgré Louise-Catherine Breslau protestant en 1895 contre « la déplorable situation des
femmes peintres dans la société moderne », les beaux-arts sont bien illustrés, de Madame Vigée-
Lebrun à Leonor Fini. La musique, s’il y a peu de compositrices, de Sophie Gail à Adrienne Clostre,
est aussi présente grâce aux interprètes, et notamment grâce aux grandes cantatrices, de la Saint-
Huberty (1782) à Maria Callas. Les grandes figures du théâtre défilent ici : citons la Clairon (1774),
Louise Contat, Mlle Mars, Marie Dorval, Rachel, Sarah Bernhardt, jusqu’à la jeune Isabelle Adjani
(1974) ; viendra ensuite le temps du cinéma, de Falconetti et Musidora, à Brigitte Bardot au sujet
de sa chanson scandaleuse,
Je t’aime, moi non plus
, enregistrée avec Serge Gainsbourg (1967). Sans
oublier les grandes figures du café-concert puis du music-hall, d’Yvette Guilbert à Édith Piaf.
La littérature féminine est admirablement représentée, de la « Marguerite des Marguerites »,
Marguerite d’Angoulême, l’auteur de l’
Heptaméron
, pleurant la mort de son frère François I
er
(1547),
jusqu’aux deux Marguerites du XX
e
siècle, Yourcenar et Duras ! Parmi les Précieuses, Madeleine
de Scudéry enrage contre le « satirique » Boileau (1694). La marquise de Sévigné dit son admiration
pour le père Bourdaloue dont les sermons la transportent et lui ont « souvent osté la respiration »
(1686). Le temps des Lumières et des salons philosophiques revit à travers la marquise du Châtelet,
Madame Denis sur son oncle Voltaire, Madame Geoffrin contant son brillant séjour à Vienne, la
margrave de Bayreuth écrivant à Voltaire, la présidente de Montreuil fulminant contre son gendre
Sade, et surtout de très belles lettres de Julie de Lespinasse à Turgot, Condorcet, Suard ou Bernardin
de Saint-Pierre. Germaine de Staël raconte la destruction de son livre
De l’Allemagne
par Napoléon,
contre lequel elle fulmine depuis son exil en Suède près de Bernadotte (1812). Nous avons déjà parlé
du bel ensemble de George Sand, « la première épistolière française », selon Maurois. Il faudrait
encore citer les belles lettres de Renée Vivien, Anna de Noailles, Colette, Virginia Woolf, Hannah
Arendt, Anaïs Nin…
Il y aurait encore tant de documents intéressants à citer, que vous découvrirez à la lecture
de ce catalogue. Mais je voudrais finir par le magnifique brouillon du discours de Victor Hugo
prononcé en 1853 sur la tombe de la proscrite Louise Julien : « Ce n’est pas une femme que je vénère
dans Louise Julien, c’est la femme, la femme de nos jours, la femme digne de devenir citoyenne, la
femme telle que nous la voyons autour de nous dans tout son dévouement, dans toute sa douceur,
dans toute sa majesté ! Amis, le rôle de la femme sera grand dans l’avenir […] Le dix-huitième siècle
a proclamé le droit de l’homme ; le 19
e
siècle proclamera le droit de la femme »…
Thierry Bodin