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Ce manuscrit, d’une écriture régulière et très lisible, est constitué d’extraits de lettres probablement adressées à sa famille. La

première est datée de Rennes, du 16 août 1839, et la dernière de Kamiesh, près d’Eupatoria (Crimée), du 27 octobre 1855. À la fin

se trouve l’éloge de Tanquerey par Dariste Arnaud, chirurgien major à l’hôpital maritime de Thérapia.

Citons quelques extraits.

Au large de Luanda, 28 octobre 1846

. « Un matin, au point du jour, la vigie signale un navire dans le vent

à nous. La manœuvre de ce navire paraît suspecte : nous courrions à la voile, mais on eut bien vite allumé les fourneaux, monté

les pales et une heure après nous serrions nos voiles, et marchions à toute vapeur sur le pauvre navire signalé. À neuf heures nous

étions côte à côte et un officier s’en fut le visiter ; un coup de canon le mit en panne. C’est une assez jolie goélette, avec douze

ou quatorze hommes d’équipage; bien qu’elle n’eut pas de Noirs à bord, elle a été déclarée de bonne prise, et le commandant

va l’expédier à Gorée, d’où l’amiral l’enverra probablement en France »… (p. 37).

Dans le golfe du Bénin, 20 janvier 1847

. « En ce

moment, nous sommes devant Widah [Ouidah, près de Porto-Novo], l’un des points les plus importants. Ce village fait partie du

royaume du roi de Dahomey ; ce monarque est une sorte de petit autocrate, qui mène ses sujets à raide d’un système répressif des

plus énergiques, il paraît que les têtes tiennent fort peu sur les épaules et qu’il suffit d’un mot du grand roi pour les faire tomber »

(p. 39).

Bomar-Sund, 7 août 1854

. « Nous sommes arrivés depuis le 5 au mouillage des îles d’Aland... Nous avons trouvé à ce

mouillage l’amiral Parseval-Deschênes et l’amiral Napier avec des forces considérables. Le 6, le St Louis, remorqué par le Brandon,

a remonté dans les canaux des îles et est venu rallier une autre escadre anglo-française qui bloque Bomar-Sund. Aujourd’hui nous

venons d’assister à l’arrivée du corps expéditionnaire, porté par de nombreux bateaux à vapeur; ils étaient accueillis par les plus

chaleureux hourras à mesure qu’ils défilaient pour aller prendre leur poste... Nos embarcations vont être armées en guerre pour

prendre part au débarquement. Les deux amiraux sont arrivés ici ce soir pour diriger les opérations, le général Baraguey d’Hilliers

et tout son état-major y sont également » (p. 82).

Bomar-Sund, 11 août 1854

. « Tout s’est passé pour le mieux. Le débarquement des

troupes s’est effectué hors de la portée du fort principal ; deux frégates à vapeur, une française et l’autre anglaise se sont embossées

devant une petite batterie de sept pièces, qui n’a même pas osé leur répondre, et qu’elles ont promptement détruite. Grâce à cette

diversion, et malgré le feu d’une autre tour, située un peu plus loin, l’armée a pu prendre position. Le soir, nous apercevions

des bords les feux de ses bivouacs : on est en train de construire des batteries qui ouvriront très probablement leur feu dans la

journée de demain » (p. 84).

Bomar-Sund, 18 et 22 août 1854

. « Depuis le 16, le lendemain de la fête de l’empereur, la citadelle

s’est rendue. Tout est donc terminé ici... Ce qui fait peine à voir, ce sont les villages détruits et brûlés, les maisons incendiées dont

les cheminées seules sont restées debout. Tous ces incendies ont été allumés par les Russes, afin de mieux découvrir et défendre

la place dans un rayon assez étendu autour du fort. Ils n’en ont pas moins été obligés de se rendre et cela très promptement...

J’ai visité les deux tours détachées ainsi que le grand fort, et j’ai vu de mes propres yeux les traces laissées par les boulets et les

bombes... J’estime que dans les deux forteresses prises, il n’y a pas loin de deux cents pièces de canon. On a également trouvé des

armes et des munitions de toutes sortes » (p. 89).

Au mouillage de Beicos, près de Constantinople, 24 novembre 1854

. « Nous avons

quitté la rade de Constantinople après y avoir passé vingt-quatre heures seulement.... L’amiral Hamelin a renvoyé presque tous

les vaisseaux à voile, qui sont en ce moment soit à Constantinople, soit ici... À chaque instant, il passe des bâtiments à vapeur,

venant de la mer Noire, ou y allant »... (p. 97).

Kamiesh (Crimée), 18 mai 1855

. « Nous avons quitté le Bosphore dans la journée

du 14, emmenant avec nous près de quinze cents hommes de troupe... Nous sommes tout simplement venus à Kamiesh, où nous

les avons débarqués le 17. Le nombre de troupes massées autour de Sébastopol est vraiment considérable : depuis notre dernier

voyage, de nouveaux campements se sont élevés partout : les soldats sont pleins du meilleur esprit, mais ils brûlent de frapper

quelque grand coup et de sortir du statu quo. La tranchée et les combats d’embuscade qui ont lieu presque toutes les nuits ne

suffisent plus à émotionner. Il leur faut l’assaut, ou une bataille »... (p. 119).

31 mai 1855

. « Nous étions mouillés en tête de rade

(hors de portée des boulets bien entendu) distinguant admirablement l’entrée du port de Sébastopol, les forts qui en défendent

l’entrée et les vaisseaux russes qui y sont mouillés. À l’aide des longues vues nous suivions, comme si nous y avions été, tous les

mouvements qui se faisaient dans le port... Dans la soirée du 22 au 23, il s’est passé entre neuf et onze heures du soir, une affaire

des plus chaudes, sur l’extrême gauche, à deux milles au plus de l’endroit où nous étions mouillés : la canonnade et la fusillade

ont été terribles pendant ces deux heures ; les décharges d’artillerie étaient si fortes et si rapprochées en même temps, que nous

en ressentions l’ébranlement à bord »... (p. 121). Etc.

235.

Charles DARWIN

(1809-1882) naturaliste anglais. L.A.S., Londres 14 octobre 1841, à Joseph

G

aimard

, à Paris ;

2 pages et demie in-4, adresse ; en anglais (papier froissé, taches).

4 000/5 000

P

récieuse

lettre

lors

de

la

préparation

de

son

livre

sur

les

récifs

de

corail

,

la

seule

connue

de

D

arwin

à

J

oseph

G

aimard

,

membre

de

l

expédition

de

l

’A

strolabe

commandée

par

D

umont

d

’U

rville

(1826-1829). [De 1832 à 1836, Charles Darwin visita

l’Amérique du Sud et les îles du Pacifique comme naturaliste dans l’expédition du capitaine Fitzroy sur le

Beagle

. De cet important

voyage, il rapporta une quantité de documents et d’observations qui furent à la base de sa théorie de l’évolution. Résidant à

Londres entre 1839 et 1842, il se consacra pendant cette période à la rédaction de son ouvrage sur les récifs de corail (

The Structure

and Sistribution of Coral Reefs. Being the first part of the Geology of the Voyage of the Beagle

, London, 1842). Dans la présente lettre,

Darwin demande à son correspondant de lui fournir des renseignements sur les récifs madréporiques de l’île de Vanikoro, explorée

quelques années auparavant par Dumont d’Urville lors du voyage de

l’Astrolabe

.]

Darwin rappelle qu’il a accompagné le capitaine

F

itz

R

oy

dans son voyage à bord

H.M.S. Beagle

, comme naturaliste, et il est

presque prêt à publier un petit volume sur les formations de corail [

The Structure and Distribution of coral reefs...

, London, 1842].

Il souhaite vivement se renseigner sur un aspect du sujet, et le zèle avec lequel Gaimard cultive depuis longtemps les sciences

naturelles, l’enhardit à espérer qu’il obligera un collaborateur dans le même domaine. Dans le compte-rendu de M. Cordier de la

géologie du voyage de l’

Astrolabe

(vol. I, p.

cxi

), il écrit à propos de Vanikoro que l’île est « entourée de récifs madréporiques qu’on