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326. stendHal. l

ettre aUtOGraPHe à sa sŒUr

P

aUline

, datée

3 V

[endémiaire]

13

[25 septembre 1804].

4 pages in-4 (230 x 185 mm), sous chemise demi-maroquin noir moderne.

4 000 / 5 000 €

m

aGnifiqUe lettre intime à sa sŒUr

.

Gêné par le manque d'argent et son avenir incertain, stendhal se confie à sa cadette, évoquant les difficiles relations qu’il

entretient avec leur père.

il réclame tout d’abord qu’elle lui écrive vite :

mets-toi bien dans la tête je n'ai pas de plus vif plaisir que de lire et relire

tes lettres...

après avoir évoqué la santé de mme de n[ardon ou nery, nom d’emprunt pour désigner sa parente par alliance

mme rebuffel, mère de leur jeune cousine adèle] que l’on croyait perdue et qui guérira peut-être, stendhal fait le récit de

son projet avorté d'aller passer un mois, en famille, à Claix :

Je suis enchanté de mon idée, je rentre chez moi, j'écris à mon

papa, je t'écris à toi, je fais un paquet de mes 2 lettres et je le donne au portier, pour le porter à la poste. J'étais si content

du plaisir que j’aurais à te voir, et le reste de la famille, que j'étais encore à Paris à 3 heures, je prends un cabriolet,

j'arrive à Auteuil à 6 h. pr dîner, il y avait grand monde, je ne puis dire mon projet à A

[dèle]

qu'à 7 h. Là-dessus elle va

dire à sa mère : Vous ne savez pas ? M. Beyle nous quitte et s'en retourne à Gr

[enoble]

, là-dessus la mère jette un cri je

m'approche, je lui conte la chose en détail … elle dit que je ne reviendrai pas de l'hiver que c’est une affaire faitte, que

jamais on ne me laissera revenir, que je me laisse trop mener pr avoir le courage de partir… enfin elle fait tant que je viens

tout courant à Paris, ne sachant comment reprendre mes lettres à la poste... Voilà comment le manque de liberté paralise

tout.

et voilà pourquoi, au lieu des semaines délicieuses qu’il aurait pu passer à Claix, il en est réduit à courir les champs

et à se contenter de la forêt de montmorency.

il s'inquiète ensuite du silence de son père, à qui il voudrait demander de l'argent, reconnaissant que c’est lui parler comme

à un intendant,

mais c’est que je ne sais que dire à quelqu’un avec qui la décence m’empêche de plaisanter et qui ne me

dit rien. Je suis vraiment peiné de cet état de choses. Il craint que ces maudites affaires d'argent en soient la cause : mais

enfin il faut vivre.

[…]

je suis criblé de dettes. Or avoir des dettes et être brouillés, c'est trop de la moitié, je ne les ai faites

que par l'ennui de lui demander à chaque instant, et rien ne semble plus ridicule à un habitant de Grenoble que la dépense

d'un jeune homme à Paris…

à défaut de devenir banquier, faute de fonds, il suggère à Pauline de se marier, elle, avec un banquier pour être

indépendante, et surtout de rire :

il n'y a que cela qui soulage, il faut prendre son parti, il faut être, dans ce monde,

Héraclite ou Démocrite, et franchement Démocrite vaut mieux. A ce que je viens de te dire près, je mène depuis 1 mois la

vie la plus gaie du monde, nous rions de tout, tâche d'en faire autant...

il termine en datant sa lettre et indiquant :

Réponse prompte.

Correspondance générale,

éd. V. del litto, Champion, 1997, t. i, n°101.

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