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187

324. sand (George). [à

PrOPOs de

V

iCtOr

H

UGO

, l’a

nnée terrible

]. manuscrit autographe signé, sans date

[1872]. 29 pages 1/2 in-8 (208 x 133 mm), cousues par cahier de 10 pour les 2 premiers, non cousues pour

les 10 dernières pages, sous chemise demi-maroquin noir moderne.

7 000 / 10 000 €

m

aGnifiqUe étUde sUr

V

iCtOr

H

UGO et

L’A

NNÉE TERRIBLE

.

le manuscrit présente de nombreuses ratures et corrections.

en 1872 paraissait

L'Année terrible

, recueil de vers de Victor Hugo, qui avait soulevé des controverses, à cause de son sujet

encore brûlant : la guerre de 1870 et la Commune. C'est à cette occasion que George sand écrit ce long article, où elle

étudie l'importance de l'œuvre de Victor Hugo dans son ensemble et fait la critique du livre en question. a son

enthousiasme et son admiration se mêlent quelques réserves dues à sa répulsion pour la Commune. tout en désapprouvant

l'indulgence de Victor Hugo pour les insurgés, sand exalte le génie du grand poète. elle avait déjà publié, sur ce livre, un

court article (

Le Temps

du 31 juillet 1872), auquel Hugo répondit le 2 août 1872 : « Vous avez écrit sur l'année terrible

une page superbe et charmante. il y a entre nous une dissidence, mais ce n'est pas un désaccord ; car nous voulons au fond

la même chose. nous voulons tous les pas en avant, et aucun pas en arrière... »

George sand le reconnaît d'emblée :

Voici un poète sublime, le poète de la France. Il est véritablement la voix de la patrie...

Je sens pour lui quelque chose de plus que de l'admiration. Je sens que je l’aime... il use de son droit qui est de monter

autant qu'une pensée peut monter au-dessus d'une situation, une aspiration au-dessus d'un fait, une volonté au-dessus d'un

obstacle...

mais le poète a-t-il, demande-t-elle,

la vision nette des choses connues ? Oui et non. Oui au point de vue de

l'éternelle philosophie ; au point de vue immédiatement historique, non.

elle reproche à Hugo sa tendance à la déformation :

Il prend des imbéciles pour des scélérats, d'une mouche il fait un monstre,

d'une fourmi un éléphant...

Hugo a entendu

la voix juste et la voix haute, mais la voix sage ?

elle lui reproche un certain

manichéisme :

... entre deux frères qui s'égorgent, il a beau se jeter pour les séparer au risque d'être égorgé soi-même. Mais

quand malgré soi on est resté debout entre les deux cadavres, doit-on traiter l'un de martyr et l'autre d'assassin ? Ils se sont

égorgés l'un l'autre, martyrs tous les deux ou assassins tous les deux, il n'y a pas à dire .... Ceux qu'il appelle martyrs

[les

Communards]

avaient-ils une idée ? Nous attendons que l'histoire nous la révèle, mais nous avouons qu'à travers l'arbitraire

grossier, la haine aveugle, l'absence totale de patriotisme, le meurtre barbare et l'incendie sauvage, nous ne pouvons la saisir...

elle fustige longuement les crimes de la Commune

: Il n'est pas vrai que l'incendie du Louvre et de la Bibliothèque ait été

ordonné par des gens qui ne savaient pas lire. Nous savons tous que ces gens savaient en outre fort bien écrire... Mais chercher

une excuse à ceux qui écrivaient : faites flamber, non, nous ne pouvons aller jusque-là...

C’est pourquoi le livre de Victor Hugo

l'a déçue :

Après avoir lu Actes et paroles

[1872]

, nous attendions de nouveaux Châtiments pour tous les criminels et nous

comptions que cette page suprême viendrait. Nous ne la trouvons pas dans L'Année terrible... le poète ... n'a pas flétri avec son

énergie accoutumée les chefs et les membres de cette bande...

elle ajoute, plus sévèrement encore

: Se justifier de n'avoir pas

frayé avec les massacreurs et les incendiaires, c'est vraiment bien inutile.

il est vrai, concède-t-elle, qu’Hugo n'a pas pu mesurer

la vraie nature de ce

volcan de boue. Frappé de stupeur,

il a cherché ailleurs la cause du mal...

Cependant elle

reconnaît son génie :

Son talent n'a jamais eu tant d'éclat,

sa parole tant de couleur, d'harmonie, d'originalité et de

force de pénétration. Cette Année terrible, il y manque

une page, c'est vrai, mais ce n'en est pas moins le livre de

la France, son cri suprême, le dernier éclair d'une des

phases de sa vie....

belle conclusion :

Nos monceaux de livres seront jugés,

oubliés pour la plupart, un nom restera éclatant, attaché

à la robe funèbre du XIX

e

siècle comme une étoile au

manteau de la nuit, et ce nom, ce sera celui de l'auteur

de L'Année terrible.

(sur

L’Année terrible

, voir lot 235)

les deux écrivains ne se rencontrèrent presque jamais,

et leur amitié fut essentiellement « épistolaire et

distante » (G. lubin).

à la mort de George sand en 1876, Victor Hugo écrivit

son éloge funèbre qui fut lu par Paul meurice

« Je pleure une morte et je salue une immortelle. Je l’ai aimée, je l’ai admirée, je l’ai vénérée ; aujourd’hui dans l’auguste

sérénité de la mort, je la contemple. »

de la collection alfred dupont (iV, 22 nov. 1962, n°181).